Ingestion d’une plante toxique : suicide ou non ?

Un assuré est retrouvé mort à son domicile. L’autopsie montre qu’il a succombé à une intoxication par la plante bleue dénommée „Aconit“. Il s’agit d’une plante originaire des montagnes et contenant des alcaloïdes. L’intervention d’un tiers est ici exclue. Cependant, l’assuré n’avait jamais manifesté de tendances suicidaires et il venait de s’acheter un vélo. L’assureur LAA refuse d’intervenir, en retenant que l’assuré a volontairement absorbé cette plante, dont il connaissait la toxicité. La veuve recourt au Tribunal cantonal de Thurgovie, qui rejette son recours. Elle saisit alors le Tribunal fédéral (TF).

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Dépression : quand donne-t-elle droit à une rente d’invalidité ?

Le TF a rendu récemment un arrêt de principe, destiné à publication, après une délibération publique. Il s’agissait d’une femme souffrant d’une dépression de degré moyen, chronique, traitée par une séance mensuelle chez le psychiatre.

Le TF se montre particulièrement sévère et refuse une rente. Il écrit (traduction du considérant 5.3.2) : « Le fait que l’expert psychiatre a attesté de la chronicisation du trouble dépressif ne suffit pas.. En effet, les troubles psychiques de degré léger à moyen peuvent en principe, selon la jurisprudence, être traités (référence faite ici à l’arrêt 9C_340/2015). Si ces troubles se révèlent exceptionnellement résistants à la thérapie, ils ne sont invalidants que si cette thérapie, ambulatoire ou stationnaire, est suivie de manière conséquente et qu’elle est exigible médicalement parlant ; les options thérapeutiques doivent être épuisées, cela avec la coopération du patient et de façon suivie (référence est faite à la jurisprudence 9 C_13/2016). L’instance cantonale a eu raison de considérer qu’un traitement mensuel n’est guère intensif et qu’on ne peut donc parler d’une fréquence utile au traitement. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un rendez-vous chez le psychiatre toutes les deux à trois semaines est insuffisant pour traiter une dépression (suivent diverses références). Cette jurisprudence a laissé ouverte la question de savoir si un traitement tous les 15 jours est suffisant, ce qui est douteux (…) En l’espèce, la consultation mensuelle auprès d’un psychiatre est insuffisante. Certes, l’expert psychiatre atteste d’une chronicisation, mais pas d’une inefficacité des soins (« Therapieresistenz »). Il n’y a donc pas d’atteinte à la santé invalidante. Le fait que l’expert n’a pas relevé chez l’assurée de tendances à l’exagération n’y change rien ».

ATF 89C_814/2016 du 3.4.2017, destiné à publication

Notre commentaire :

Nous constatons que le TF ne se contente plus de trancher les questions d’invalidité (incapacité durable de travail), mais qu’il fixe désormais des critères médicaux quant aux traitements exigibles. Ainsi, il fixe la fréquence des consultations chez le psychiatre, sans d’ailleurs dire qui va payer toutes ces consultations. Et on sait qu’en matière de dépression, l’incapacité de travail dure souvent très longtemps. Il faudra donc, pour les assurés, attendre des mois ou des années avant de pouvoir affirmer que leur dépression, même de degré moyen, est résistante à la thérapie. Le TF ne dit pas d’une manière générale combien de mois ou d’années vont devoir s’écouler avant que ce stade de résistance soit admis. En tout cas, les assurés ont intérêt, tant pour leur santé que pour sauvegarder leurs droits en assurance sociale, de ne pas négliger les traitements psychiatriques.

Cette évolution jurisprudentielle, qui vise avant tout à réduire le nombre des rentes pour troubles psychiques (lesquels représentent  à peu près la moitié des 220’000 rentes AI), a fait l’objet de critiques approfondies de professeurs de droit et du corps médical (article de Andrea Fischer dans Tagesanzeiger du 12 juin 2017).

Rente payée à tort après le décès : les héritiers doivent-ils rembourser ?

Un directeur d’entreprise bénéficiait d’une prévoyance professionnelle et d’une assurance pour les cadres. Il décède le 2 novembre 2009. La caisse de pension cesse immédiatement le paiement de la rente vieillesse qu’elle versait. Mais l’assurance, ignorant apparemment le décès, continue à payer les rentes et à adresser les avis d’usage à l’assuré décédé. Ce n’est qu’au début 2013 que ces paiements injustifiés sont décelés. Plus de Fr. 200’000.- ont ainsi été versés au défunt, somme qui a bénéficié à ses héritiers.

L’assurance attaque donc ces héritiers et elle obtient gain de cause devant le tribunal zurichois : ils doivent rembourser les Fr. 200’000.-. Ils recourent au Tribunal fédéral (TF), invoquant notamment la prescription ; les juges fédéraux n’étant apparemment pas d’accord entre eux, une audience publique est organisée le 29 mars 2017.

Le TF se demande tout d’abord quelle est la base légale applicable au remboursement réclamé. S’agit-il de l’article 35a LPP ? Cette disposition a la teneur suivante :

Art. 35a

 Restitution des prestations touchées indûment

1 Les prestations touchées indûment doivent être restituées. La restitution peut ne pas

être demandée lorsque le bénéficiaire était de bonne foi et serait mis dans une situation

difficile.

2 Le droit de demander la restitution se prescrit par une année à compter du moment

où l’institution de prévoyance a eu connaissance du fait, mais au plus tard par cinq

ans après le versement de la prestation. Si le droit de demander restitution naît d’un

acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long,

ce délai est déterminant.

Si cette disposition est applicable, le délai est d’une année dès la connaissance, par l’institution de prévoyance professionnelle, de son droit d’exiger un remboursement (la règle des cinq ans n’a pas d’importance ici).

D’autre part, la Loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) ne s’applique pas en matière de prévoyance professionnelle ou d’assurance privée. Il est donc exclu, pour l’assurance en cause, d’émettre une « décision de restitution ».

Le TF considère que les héritiers n’ont pas eu de rapport de prévoyance avec l’assurance, car seul le défunt avait ce rapport. Par conséquent, ni la LPP ni la LPGA ne leur sont applicables. Seul l’est le Code des obligations (CO) , spécialement les articles 62 et suivants sur l’enrichissement illégitime. L’art. 67 al. 1 de ce Code indique :

Art. 67

1 L’action pour cause d’enrichissement illégitime se prescrit par un an

à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de

répétition, et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce

droit.

On constate que cette disposition n’est finalement pas fondamentalement différente de l’article 35a LPP, puisque le délai d’une année court, pour la partie lésée,  dès la « connaissance de son droit de répétition ». Néanmoins, les juges zurichois n’ayant pas examiné en détail le respect de ce délai, le recours des héritiers doit être admis et la cause renvoyée à l’instance inférieure pour nouveau jugement à la lumière des dispositions du CO sur l’enrichissement illégitime.

9C_108/2016 du 29 mars 2017, destiné à publication

Notre commentaire :

L’arrêt n’indique pas pour quelles raisons il a fallu une délibération publique, dès lors que, dans le présent cas, il n’y a pas de différence fondamentale, quant au résultat, entre la base légale (faussement) choisie par les juges cantonaux (la LPP) et celle qui aurait dû s’appliquer (le CO) : dans les deux cas, le délai est d’une année dès la connaissance, par l’assureur, du droit d’exiger le remboursement. Autrement dit, le résultat semble devoir être le même.

À moins toutefois qu’il ne s’agisse pas que d’une question de prescription : si le juge doit désormais se fonder sur les règles du CO, il peut envisager d’appliquer aussi l’article 64 CO, qui dispose :

«Il n’y a pas lieu à restitution, dans la mesure où celui qui a reçu indûment

établit qu’il n’est plus enrichi lors de la répétition; à moins

cependant qu’il ne se soit dessaisi de mauvaise foi de ce qu’il a reçu

ou qu’il n’ait dû savoir, en se dessaisissant, qu’il pouvait être tenu à

restituer. »

Ainsi, il se peut que, grâce à cette disposition, les héritiers parviennent à démontrer qu’ils ne sont plus « enrichis », autrement dit qu’ils ont dépensé de bonne foi les Fr. 200’000.-. Mais c’était très douteux dans le présent cas : ces héritiers avaient offert de déposer la somme auprès du Tribunal fédéral, ce qu’ils n’auraient pas pu faire s’ils ne disposaient plus du montant en question, offre que d’ailleurs le TF a rejetée…

On peut donc penser en définitive que la délibération publique avait avant tout à caractère scientifique, pour débattre et trancher la question de la base légale.

 

 

Accident ou suicide ?

Le 25 mai 2012, Monsieur B est retrouvé sans vie au pied de son immeuble, à côté d’un yogourt et d’une cuillère. Il était tombé du balcon du quatrième étage. Aucune trace permettant de penser à l’intervention d’un tiers n’a été trouvé dans son appartement. Pas davantage de message d’adieu. En revanche, Monsieur B était sous antidépresseurs. Il avait des difficultés familiales et professionnelles.

La Bâloise, assureur LAA, considère qu’il s’agit d’un suicide et refuse toute prestation aux survivants. Ceux-ci recourent au Tribunal cantonal de Genève qui leur donne raison : la probabilité est plus forte pour un accident que pour un suicide.

Mais l’assureur Bâloise recourt au Tribunal fédéral (TF). Weiterlesen…

SPECDO et sclérose en plaques : quid en cas de suppression d’une rente par révision ?

 

Madame X. touchait depuis 2003 une rente AI en raison d’une fibromyalgie et de troubles de la personnalité. Cette rente a été maintenue lors de révision en 2007 et en 2009. Mais depuis lors une modification de la loi oblige l’AI à procéder à une révision des rentes dites SPECDO (voir sur ce site en tapant SPECDO dans la fenêtre de recherche). Il faut toutefois, pour cette révision, que la rente ait été allouée à l’époque exclusivement en vertu d’un SPECDO.

Appliquant cette nouvelle disposition (dite révision 6a), l’Office AI supprima la rente, en se basant sur une expertise médicale, selon laquelle le trouble dont souffrait Madame X n’avait pas un caractère invalidant. Le Tribunal cantonal fribourgeois confirma cette décision . Madame X fait recours au Tribunal fédéral en invoquant qu’en réalité elle ne souffrait pas d’un « pur » SPECDO, mais d’une sclérose en plaques, diagnostic posé pour la première fois dans un rapport du 12 mars 2015 relatif à un examen du 29 janvier 2015, soit après la décision litigieuse de suppression de la rente qui, elle, datait de 10 jours auparavant (19 janvier 2015). Weiterlesen…

Quand un assuré a-t-il droit à un avocat d’office pour la procédure devant l’office AI ?

Monsieur A, né en 1958, touchait depuis de nombreuses années une rente d’invalidité à la suite d’un traumatisme cervical. Cette rente fut confirmée à trois reprises en procédure de révision. Une quatrième révision, à laquelle l’office AI a décidé de procéder en 2012, a entraîné une expertise pluridisciplinaire, sur la base de laquelle l’office AI a supprimé la rente. Sur recours au Tribunal cantonal d’Argovie, l’assuré a obtenu qu’une nouvelle expertise soit effectuée. Comme il devait prendre position à ce sujet, il a sollicité l’assistance judiciaire en matière administrative, qui lui a cependant été refusée tant par l’office AI lui-même que par le Tribunal cantonal argovien. Sur cette seule question d’assistance judiciaire, il recourt au Tribunal fédéral (TF). Weiterlesen…

Une vraie protection des débiteurs poursuivis va devenir réalité !

Les Chambres fédérales ont adopté le 16 décembre 2016 (Feuille fédérale 2016, page 8631) une modification de la Loi sur les poursuites et faillites (LP) qui offre plusieurs nouvelles possibilités à un débiteur qui s’estime poursuivi à tort :

  • au bout de trois mois dès la notification du commandement de payer, il peut demander que la poursuite ne soit plus portée à la connaissance des tiers, à moins que le créancier ne prouve, dans un délai de 20 jours imparti par l’Office des poursuites, qu’une procédure d’annulation de l’opposition (mainlevée) a été engagée (article 8 a al. 3  lettre d nouveau LP)
  • le débiteur poursuivi peut demander en tout temps que le créancier soit sommé de présenter les preuves de sa créance et une récapitulation de tous ses droits à l’égard du débiteur (article 73 nouveau)
  • enfin, qu’il y ait eu opposition ou non, le débiteur poursuivi peut agir en tout temps au for de la poursuite pour faire constater que la dette n’existe pas ou plus ou qu’un sursis a été accordé (art.85a al. 1 nouveau).

À plusieurs reprises, nous avions critiqué — notamment sur ce site — la pratique des poursuites abusives, servant avant tout à des fins d’intimidation et de pression. Ces trois moyens nouveaux à disposition des poursuivis sont donc les bienvenus. Toutefois, il faut être conscient que si le poursuivi choisit la voie d’un procès ordinaire, dit « négatoire » (solution de l’article 85a), il doit avancer les frais et que, même s’il gagne, l’encaissement des dépens peut être aléatoire..

La date d’entrée en vigueur de la modification sera fixée par le Conseil fédéral. Il est certain que le délai de référendum au 7 avril 2017 ne sera pas utilisé, car aucun référendum n’a été annoncé.

 

Si l’assuré exagère ses troubles, cela exclut-t-il automatiquement une rente ?

Un ouvrier, souffrant du genou, dépose sans succès une demande de rente en 2007. L’office AI ne lui reconnaît qu’un degré d’invalidité de 27 % en 2009. Cet assuré dépose une nouvelle demande en 2013, et l’office AI procède à une expertise pluridisciplinaire. Cette expertise n’attestant pas une véritable invalidité, l’office AI décide que la situation n’a pratiquement pas changé (nouveau degré d’invalidité : 26 %) et que les prestations sont encore une fois refusées. Recours de l’ouvrier, sans succès, au Tribunal administratif de Berne. Finalement, il recourt au Tribunal fédéral (TF). Weiterlesen…

Droit à une rente AI pour une femme au foyer atteinte dans sa santé depuis des décennies

Madame A. avait déposé une première demande AI en 1975. À cette époque, elle avait travaillé comme vendeuse, mais elle avait ensuite arrêté en raison de graves problèmes à la colonne vertébrale (multiples opérations, marche difficile). Une rente lui avait été octroyée pour un certain temps. Par la suite, elle a recommencé à travailler et obtenu une demi-rente AI, prestation qui a été supprimée lors de son mariage en 1980 (car à l’époque la demi-rente était octroyée en tenant compte de la situation financière).

Durant plus de 30 ans par la suite, elle a été femme au foyer, avec quelques petites activités annexes, notamment de conciergerie. Elle était en outre dépressive.

En 2011, elle demande une rente AI entière, qui lui est refusée par l’office AI du canton de Fribourg, au motif qu’elle doit être considérée comme une ménagère et que, dans cette activité, elle n’est entravée qu’à hauteur de 28 %. Elle fait recours au tribunal cantonal, qui rejette son recours en considérant qu’elle est femme au foyer par choix et qu’on doit donc pas tenir compte d’un handicap professionnel.
Madame A. recourt donc au Tribunal fédéral (TF) en faisant valoir que si elle n’était pas atteinte dans sa santé, elle exercerait une activité lucrative depuis fort longtemps et que, par conséquent, on ne peut pas lui appliquer un statut de ménagère. Il faudrait selon elle procéder à la comparaison des revenus professionnels avec et sans invalidité, selon la méthode dite « générale » (article 28a al.1 LAI). Elle demande que le jugement cantonal soit revu dans le sens d’une rente entière ou à tout le moins qu’une expertise soit ordonnée par le TF.

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La semelle rouge Louboutin n’est pas protégeable en Suisse…

Quelques arrêts égaient l’austère palais du TF. C’est le cas de celui-ci, où il a été décidé que la semelle rouge des élégantes chaussures de dame françaises de la marque Louboutin, bien que très caractéristique, ne revêt pas un caractère distinctif suffisant pour être protégée en tant que marque.

07.02.2017 4A_363/2016

destiné à publication

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