Quand un enfant est-il “en formation”, donnant droit à une rente complémentaire de l’AVS ou AI ?

Un père d’une fille de 18 ans reçoit une rente AI entière, ainsi qu’une rente complémentaire pour sa fille de 18 ans. L’Office AI supprime ce complément au moment où la fille commence un stage d’une année auprès de son futur maître d’apprentissage. Sur recours, le TC de Bâle-Campagne rétabluit ce droit, mais l’Office AI recourt au TF. Sans succès.

Le Conseil fédéral a défini cette notion de formation comme suit :

“Art. 49bis RAVS : Formation
1 Un enfant est réputé en formation lorsqu’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions.

2 Sont également considérées comme formation les solutions transitoires d’occupation telles que les semestres de motivation et les préapprentissages, les séjours au pair et les séjours linguistiques, pour autant qu’ils comprennent une partie de cours.

3 L’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’AVS”.

Certes, dit le TF, il n’est pas toujours facile de dire quand ces conditions sont remplies, s’agissant p.ex. de semestres de motivation. Ce qui compte, c’est de voir si le jeune se prépare vraiment à une formation. Tel est bien le cas ici au regard du ch. 3361 des Directives de l’OFAS, dans sa version dès le 1.1.2012. Mais avant ? Le Règlement (RAVS) reconnaît comme valables des formations de fait (et non seulement des formations bien réglementées), pour autant qu’elles ne soient pas simplement des “petits boulots” mal payés (ce qui est hélas un peu la tendance aujurd’hui, dit le TF).

Finalement, il ne faut pas que la loi (LAI en général, LAVS parfois), soit restrictive au point d’empêcher un jeune de commencer une activité qui le conduira à un apprentissage mieux adapté à ses désirs et capacités.

ATF 8C_682/2012 du 7 mars 2013, destiné à publication

LPP : rente de veuve cumulable avec rente de partenaire survivant ?

Mme G est veuve et touche une petite rente LPP de veuve. Elle vit avec un partenaire N., en concubinat, depuis plusieurs années. Ce partenaire décède à son tour. Elle demande, en plus de la modeste rente de veuve, une rente de partenaire survivant (bien plus importante, env. 2’000.- par mois), prévue dans le Règlement. Toutefois, ce Règlement de la Fondation de prévoyance où N. était assuré exclut une rente de partenaire survivant en faveur d’une personne qui touche par ailleurs une rente LPP d’une autre institution de prévoyance. Mme G. estime que ce Règlement n’est pas admissible, car il crée une discrimination entre les couples non mariés et les couples mariés, portant ainsi atteinte à la vie de famille. Le TC neuchâtelois rejette son action, Recours au TF.

Cette autorité relève d’abord qu’une réglementation de ce type est prévue par l’art. 20a LPP.2
( “Aucune prestation pour survivants n’est due selon l’al. 1, let. a, lorsque le bénéficiaire touche une rente de veuf ou de veuve”). Ce n’est toutefois pas déterminant, cette disposition laissant toute liberté aux Caisses d’y déroger, pour la prévoyance sur-obligatoire. Or, précisément, la Fondation n’y a pas dérogé. Et il ne s’agit pas d’une simple norme de surindemnisation ( = plafonnement pour éviter un enrichissement de l’assuré), norme qui aurait permis le cumul dans ce cas. Dès lors, cette règle de non-cumul est claire et conforme à la loi. Mme G. n’a droit à aucune rente de partenaire survivant.

ATF 9C_568/2012 du 26.2.2013

Notre Commentaire :
Qu’aurait dû faire Mme G ? Au début de son partenariat avec Monsieur N., elle aurait dû renoncer à sa modeste rente de veuve, sachant que la Caisse de celui-ci prévoyait une couverture bien meilleure en cas de décès. Si elle avait fait cela, cette Caisse n’aurait pas pu dire qu’elle “touche” une rente de veuve de l’autre Caisse, et elle aurait dû alors fournir ses prestations. Le résultat n’est pas satisfaisant et on peut comprendre que Mme G. ait cherché à se situer sur le terrain de la surindemnisation, qui aurait permis le cumul tant qu’un plafond nétait pas atteint. Malheureusement sans succès…

Expertises en assurance sociale : quand le TF peut-il être saisi en cours de procédure ?

Le Tribunal des assurances sociales de Saint-Gall (SG) a admis le recours d’un assuré AI qui contestait une expertise d’un COMAI (Centre d’Observation Médicale de l’AI) et décidé de renvoyer le cas à l’AI elle-même pour une nouvelle expertise. L’Office AI, lui, ne veut pas s’en charger – ces expertises sont coûteuses – et préférerait une expertise judiciaire (à charge du Canton de SG). Il recourt donc au TF contre cet arrêt SG.
Le TF se demande – ayant jusqu’ici laissé la question ouverte – si ce recours, portant sur un simple arrêt de renvoi à l’AI est ou non recevable. Il réunit ses deux Chambres pour en discuter, et déclare finalement irrecevable le recours de l’AI.

En effet, dit le TF, l’AI ne subit pas, du seul fait qu’il doit se charger de ce complément d’instruction, un préjudice irréparable (ce qui est la condition pour recourir au TF contre une décision ne mettant pas fin au litige). Il en a tout au plus un inconvénient. De plus, l’AI n’est pas vraiment une partie au litige ; elle a plutôt un caractère d’administration neutre. L’assuré est de surcroît mieux protégé si, pour l’expertise, on repart “tout en bas” (devant l’Office AI plutôt que devant le Tribunal cantonal), car cela lui donne une instance de plus. Le TF rappelle aussi qu’il a précisé sa jurisprudence sur les expertises, dans le sens de droits meilleurs pour les assurés (137 V 210). Et si une décision de renvoi à l’Office AI ne cause aucun préjudice irréparable à celui-ci, c’est parce qu’il pourra prendre position – tout comme l’assuré – sur le résultat de cette expertise complémentaire, et qu’en dernière analyse le TF pourra ultérieurement, au moment du jugement final, en apprécier les qualités et les défauts, donc la “valeur probante”. Ainsi une absence de possibilité de recours au TF contre une telle décision de renvoi n’a rien de choquant.

ATF 9C_971/2012 du 13.02.2013, destiné à publication

Notre commentaire : On comprend la logique de cet arrêt, qui soulage le TF – notoirement surchargé – de nombre de jugements incidents. Le TF veut autant que possible statuer sur le fond, et non sur des décisions qui ordonnent ou refusent que des expertises aient lieu. Nous persistons cependant à critiquer l’ambivalence quant au rôle assigné par le TF (et rappelé dans cet arrêt) à l’AI : cette assurance peut-elle vraiment être neutre administrativement et en même temps partie à la procédure ? Les instances européennes (entre autres la Cour européenne des droits de l’Homme) ont de la peine à comprendre cela : car ces litiges AI ont à leurs yeux un caractère quasi civil, et l’AI ne peut qu’être une “partie au procès”, dès l’instant où il y a lieu de veiller au respect de “l’égalité des armes” (art. 6 CEDH)…

Clin d’oeil sur la précision helvétique (dans l’approximation …)

Extrait d’un récent arrêt du Tribunal fédéral (4A_511/2012 et 4A_521/2012 du 25 février 2013) :

“les rentes de vieillesse hypothétiques atteignent en valeur un montant qui se situe dans une fourchette oscillant entre 50% à 80% du salaire brut déterminant (…). Toutefois, la recourante fait valoir, à juste titre, qu’un calcul exact donne une rente annuelle du premier pilier présumée de 49’019 fr. après arrondissement (72’621 fr.25 x 67,5%), et non de 49’024 fr. ainsi que l’a retenu l’autorité cantonale”.

Sans commentaire …

Geste médical malheureux : accident ou pas ?

On hésite souvent à qualifier d’accident un geste médical malheureux ou erroné. Ici, la question se posait non pas pour une action en responsabilité contre le médecin (bien que non exclue), mais sous l’angle de l’assurance-accidents obligatoire (LAA).

Lors d’un traitement médico-dentaire pour cause de maladie, l’introduction d’une seringue dans la mâchoire inférieure a provoqué des symptômes de ponction touchant le nerf lingual. Selon expertise, le médecin aurait dû retirer immédiatement l’aiguille, et non pas injecter l’anesthésiant. Cette erreur a entraîné des séquelles graves. L’assureur plaidait que tout cela constitue un risque normal d’une telle intervention. Mais puisque selon les experts il aurait fallu éviter à tout prix, en pareil cas que le liquide anesthésiant entre en contact avec le nerf, on sort du risque ordinaire et l’élément constitutif du “caractère extraordinaire” est réalisé au moins au degré – suffisant en assurance sociale – de la vraisemblance prépondérante. Le recours de l’assureur est rejeté.
ATF 8C_ 535/2012 du 20.11.2012

Luxation de rotule : accident ou pas ?

Une assurée se luxe la rotule en effectuant de nuit, en forêt, un pas de danse, lors d’une sortie au coin du feu avec des amis. L’assureur LAA refuse le cas. L’assurée recourt au Tribunal cantonal invoquant l’art. 9 al. 2 OLAA (lésions corporelles non strictement accidentelles, mais assimilées à un accident). Le Tribunal cantonal lui donne raison : cette disposition est applicable. L’assureur LAA recourt au TF.

Celui-ci partage l’avis des juges cantonaux. Le genou n’avait aucune lésion préexistante. L’assurée avait correctement décrit la vive douleur ressentie à cette occasion, et elle avait même été choquée de voir sa rotule déplacée de 4 cm. L’événement avait eu lieu au Yosemite Park (USA) et ses amis l’avaient transportée immédiatement dans un hôpital distant de 100 km. Puis elle avait dû être rapatriée en Suisse en avion. Le recours de l’assureur est infondé.

ATF 8C_628/2012 du 20.11.2012

Questionnaire de santé mal rempli : conséquences sur la prévoyance professionnelle

Un assuré omet de déclarer un diabète lors de son admission à l’institution de prévoyance de son nouvel employeur. Or, le réglement prévoit, pour les prestations plus larges que celles du minimum LPP (ce qui est ici le cas), une obligation de remplir correctement le questionnaire de santé. Une visite médicale peut aussi être imposée. Si le résultat de cete visite est défavorable, la Caisse peut émettre une réserve (donc ne couvrir cette maladie qu’en prévoyance minimale).
L’assuré devient invalide à cause de son diabète. La Caisse lui impose alors une réserve rétroactive (à la date d’entrée). L’assuré, pas d’accord bien qu’ayant admis cette réserve par écrit, réclame la totalité des prestations prévues. La Cour cantonale vaudoise (CASSO) le déboute. Il recourt au Tribunal fédéral (TF).

Celui-ci lui donne raison. En effet, selon la jurisprudence relative à l’art. 331c CO, permettant aux institutions de prévoyance professionnelle d’instaurer des réserves pour 5 ans au plus, il ne peut pas y avoir de réserve rétroactive (130 V 9). Cette jurisprudence a certes été critiquée, mais elle doit être maintenue. Quant à l’accord donné à l’époque par l’assuré, il n’a aucune portée, parce que la réserve est un acte unilatéral de l’institution de prévoyance. En revanche, la CASSO n’a pas examiné la question de la réticence (art. 4 ss LCA). La cause lui est renvoyée pour qu’elle examine encore cela.

ATF 9C_810/2011 du 4 juin 2012.

Note PN : il est dommage que l’on ne connaisse pas l’issue finale du cas. L’assuré a obtenu provisoirement gain de cause, mais il a eu de la chance que le règlement n’ait pas prévu le mécanisme de la “réserve rétroactive”, ce qui aurait été possible semble-t-il selon l’arrêt (peu clair sur ce point). Et il reste exposé à se voir refuser les prestations pour cause de réticence (selon les art. 4 ss. LCA), argument qui est toutefois soumis à des exigences relativement sévères pour l’assureur (p.ex. : celui-ci ne doit pas avoir attendu plus de 4 semaines pour l’invoquer, délai partant dès l’obtention des renseignements nécessaires sur la réticence).

Indemnités journalières LCA : un assureur privé peut-il tenir compte d’une rente AI hypothétique ?

Mme X est  assurée par la collective de son employeur pour 720 indemnités journalières maximum. Les CGA indiquent en substance que ces indemnités complètent les rentes AI auxquelles l’assuré a droit. Or, Mme X n’a pas déposé une demande de rente AI. Pourquoi ?  Parce que l’assurance ne lui a pas demandé de le faire, parce qu’elle ignorait même peut-être y avoir droit, parce que vu son jeune âge elle ne pensait pas devenir invalide, mais espérait au contraire récupérer sa capacité de gain. L’assureur veut néanmoins  réduire l’ indemnité journalière de la rente hypothétique (ou théorique) que Mme X aurait pu recevoir si elle avait fait les démarches adéquates. Il suffit en effet, selon l’assureur, qu’elle y ait droit ; peu importe qu’elle fasse effectivement valoir ou non ce droit, donc peu importe qu’elle reçoive ou non la rente AI. Dans tous les cas, une rente AI hypothétique doit être déduite. En première et seconde instance vaudoises,  la thèse de l’assureur est rejetée. Il recourt au TF.

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Pas d’invalidité grâce à l'”approche théorique” : nouvelles critiques

Comme on l’a souligné ici même depuis longtemps, les Offices AI pratiquent toujours davantage, avec l’aval du TF,   l'”approche théorique” : ils reconnaissent certes qu’un assuré ne peut plus exercer son ancien métier, mais ils refusent d’examiner concrètement les possibilités de réadaptation, au motif – formant un “texte-type” – qu’il existe sur le marché du travail un large choix d’activités accessibles à cet assuré (sans dire lesquelles et sans procéder à une analyse de ces prétendus postes). Or, lorsque – exceptionnellement – des tentatives de réadaptation sont faites, elles se révèlent très souvent non concluantes.  Signalons  ici le cas Isler (Tagesanzeiger 5 et 6.2.2013) :

Lourdement handicapée sur le plan orthopédique , Mme Isler reçoit une rente AI entière pendant 6 ans. Puis, brutalement, cette rente est supprimée en révision, après une expertise universitaire, indiquant que cette assurée peut travailler.  Mme Isler tente cela, mais on s’aperçoit rapidement de ses limites : elle ne peut pas être rentable pour un employeur. Donc les faits démentent l’approche théorique de l’expertise.

La suite de l’histoire est pour le moins étonnante :  se rendant compte  de cela (l’approche théorique est insoutenable) et voulant de ce fait rétablir la rente,  l’AI se fait établir une expertise de complaisance indiquant que l’invalidité est due … à des troubles psychiques, et cela de surcroît sans examen psychiatrique ! Heureusement pour Mme Isler, la rente est rétablie, mais elle est désormais classée parmi les patients ayant de graves troubles de personnalité. Read more…

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