Accident à la main : comment chiffrer l’invalidité ?

Mme A., aide-relieuse, a la main droite écrasée le 4 mai 2006 par une presse de son atelier. En 2009, son état est enfin stabilisé et la SUVA fixe le degré d’invalidité à 14%, sur la base de 5 “descriptions de postes de travail” (DPT), méthode admissible pour autant les travaux décrits puissent véritablement être accomplis pratiquement sans limitations. Sur recours, la Chambre des assurances sociales du canton de Genève exige une expertise médicale, dont il ressort que la limitation de son rendement comme relieuse serait de 25%. La Chambre retient finalement 23%. Mais la SUVA recourt au Tribunal fédéral (TF).

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Intervention chirurgicale qui tourne mal : “accident” selon la LAA ou non ?

A., née en 1949, assurée en LAA auprès de la SUVA, doit subir en 2011 une opération au cœur. Lors de celle-ci, une petite perforation de l’artère coronaire a lieu, qui n’est pas remarquée immédiatement. A. décède six heures après l’opération. La SUVA conteste qu’il y ait “accident” au sens de la loi et refuse ses prestations. Son veuf recourt au TC (SG), qui lui donne raison. Refusant cette solution, la SUVA recourt au TF.

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Lésion à la coiffe des rotateurs de l’épaule : accident ou maladie ? Toujours le difficile art. 9 OLAA !

Un coiffeur indépendant est assuré en LAA. Il chute à skis le 23 janvier 2010 et le médecin diagnostique une probable rupture partielle de la coiffe des rotateurs à droite. Le coiffeur se voit attester une incapacité totale de travail durant 1 semaine. Quelque 3 mois plus tard, un examen par résonance magnétique (IRM) révèle une déchirure complète avec rétractation et atrophie. Il y avait ainsi une forte atteinte antérieure à l’accident, mais sans symptôme gênant pour ce coiffeur. Se prévalant de cet état antérieur,  Helsana décide de stopper ses prestations au 30 avril 2010 : dès cette date, l’accident ne jouerait plus aucun rôle dans le handicap qui subsiste (douleurs et impotence fonctionnelle du bras droit). L’assuré fait recours à la Cour vaudoise des assurances sociales (CASSO), qui , appliquant l’art. 9 OLAA (qui assimile une déchirure de la coiffe des rotateurs à un accident même sans qu’il y ait action extérieure violente), lui donne raison et annule cette décision Helsana. Mais celle-ci fait recours au Tribunal fédéral (TF).

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Caisses de retraite : peuvent-elles librement ne pas rémunérer les avoirs ?

Une importante Caisse de retraite, enveloppante (donc couvrant la prévoyance minimale et celle plus étendue), avec plus de 400 millions de capital accumulé, a en 2008 un degré de couverture de 104,5%. Néanmoins, elle décide de servir cette année-là un “intérêt zéro” sur les avoirs des assurés, et cela aussi pour la prévoyance minimale LPP. Autrement dit, les assurés ne bénéficieraient d’aucun intérêt sur leurs avoirs. Les employeurs et les rentiers ne sont pas touchés. L’autorité de surveillance et le Tribunal administratif fédéral s’y opposent et exigent qu’au moins la part minimale LPP soit rémunérée au taux en vigueur en 2008, soit 2,75%.

La Caisse recourt au TF, en vue d’obtenir ce droit de ne payer aucun intérêt en 2008.

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Conditions générales d’un club de fitness : renouvellement automatique ou non ?

Une abonnée omet de dénoncer, 3 mois à l’avance, son abonnement de fitness, de sorte que celui-ci, conformément aux CG, est prolongé d’un an. Le litige ne porte que sur Fr. 1’852.-, mais le TF accepte de traiter le cas, car celui-ci a une importance fondamentale et porte sur la question suivante non tranchée jusqu’ici : ” La protection des consommateurs contre les CG abusives, selon le nouvel art. 8 LCD, s’applique-t-elle seulement aux contrats conclus après l’entrée en vigueur de ce texte (1.7.2012), ou aussi à ceux passés avant cette date “? En l’occurrence, le litige portait sur la clause imprimée prévoyant le renouvellement automatique du contrat. Or, ce renouvellement avait eu lieu avant le 1.7.2012. Donc la validité de ladite clause doit, selon le TF, se juger d’après l’ancien texte. Celui-ci est un peu moins favorable aux consommateurs. De toute façon, une clause de prolongation automatique n’est pas nécessairement abusive. ATF  4A_ 475/2013 du 15.7.2014 destiné à publication   Notre commentaire : Il faut parfois lire les arrêts entre les lignes. Celui-ci est avant tout motivé par le fait que si la clause de renouvellement avait été déclarée invalide, le contrat déjà en route et partiellement exécuté aurait perdu après coup son existence (“nachträglich die Grundlage entzogen”). Mais cela ne vaut pas nécessairement pour d’autres clauses : le TF évoque en effet que “même si” il était jugé différemment (donc même si le nouvel art. 8 était considéré comme applicable aux anciens contrats), cette clause résisterait au filtre de l’art. 8 LCD. Autrement dit, la question de principe telle que posée plus haut n’est pas encore définitivement tranchée. Il faudra pour cela attendre une autre affaire du même genre …

« SPECDO » et autres affections : le TF nuance ses nuances, au détriment des assurés

Une assurée reçoit une rente AI depuis plusieurs années, fondée à la fois sur des troubles rhumatismaux (37%) et sur un SPECDO (syndrome sans pathogénèse ni étiologie claire et sans constat de déficit organique). Globalement, les deux atteintes donnaient un taux d’invalidité compris entre 40 et 50%, soit ¼ de rente.

En application du titre final de la 6ème révision de la LAI, le Tribunal fédéral est appelé à dire si c’est à juste titre que ce ¼ de rente a été supprimé par la voie de la révision. Il répond par l’affirmative, au motif que le SPECDO (que le TF appelle simplement  « troubles peu clairs », « unklare Beschwerden ») s’est amélioré, au point de ne plus limiter la capacité de gain de l’assurée, laquelle en revanche reste atteinte de rhumatismes justifiant une limitation de 37%. Son degré d’invalidité étant désormais tombé à 37%, elle n’a plus droit à sa rente AI. L’ATF 139 V 547, qui semblait dire le contraire (à savoir que cette règle du Titre final de la LAI permettant la révision des anciens cas SPECDO ne s’applique pas quand d’autres troubles existent parallèlement) doit être « précisé » dans le sens qu’une révision est tout de même possible chaque fois qu’on peut distinguer (séparer ?) les troubles explicables des inexplicables.

ATF 8C_74/2014 du  16 mai 2014, destiné à publication

Notre commentaire

Le TF « serre la vis » pour les assurés SPECDO. En réalité. il ne « précise » pas vraiment sa jurisprudence 139 V 547, relativement favorable, mais il s’en écarte bel et bien.  Dans cet arrêt en effet, il était clairement indiqué d’une part que les troubles SPECDO sont le plus souvent en relation avec les troubles somatiques (cons. 9.2) donc difficilement séparables de ceux.ci, et d’autre part que la révision d’une rente ancienne en application du titre final  sur le SPECDO n’est possible que si cette rente a été décidée « exclusivement » (« ausschliesslich », cons. 10.1.1 et 10.1.2) en raison du SPECDO. Ce n’est pas le cas ici, puisqu’il y avait en outre les troubles rhumatismaux, qui ne se sont pas amendés. Or, ce genre de troubles provoque justement des douleurs qui finissent par être invalidantes. Il y a ainsi, bel et bien, un substrat objectif, même si le psychisme de la personne en renforce les effets.

Reste que – heureusement – le TF exige toujours des expertises pluridisciplinaires  approfondies, et que les questions posées aux experts devront être particulièrement « pointues ». C’est vital : la suppression brutale de rentes de 1er pilier (AI) entraîne aussi, en général celle des rentes du 2ème pilier (LPP), et la personne se retrouve sans ressources, alors qu’elle est éloignée depuis des années du marché du travail…

 

SPECDO ou dépression ? Rôle réciproque de l’expert médical et du juge

Une ouvrière ajusteuse souffre de divers “syndromes sans pathogénèse ni étiologie claire et sans constat de déficit organique” (en abrégé : SPECDO). L’expert médical de l’AI constate aussi une dépression de degré moyen. On ignore si la dépression est causée par les douleurs SPECDO ou si c’est l’inverse (douleurs SPECDO causées par la dépression). Selon cet expert médical, l’état de la personne entraîne une incapacité partielle de travail, d’env. 40%.  La rente (1/4) est cependant refusée par l’AI, qui estime que le SPECDO n’est pas invalidant (il y a présomption que de tels troubles sont surmontables). L’assurée recourt au TC (SG), qui lui donne raison : l’affection psychique est établie, et dès lors le cas ne doit pas être soumis à la pratique restrictive applicable aux SPECDO. L’Office AI recourt au TF.

Cette autorité saisit l’occasion de cette affaire pour rappeler les rôles respectifs de l’expert médical et du juge. L’expert médical doit uniquement décrire les atteintes à la santé, poser le diagnostic, et indiquer en quoi ces atteintes limitent les activités de l’assuré. En revanche, il incombe à l’administration, et en cas de litige au juge, de décider du degré d’invalidité découlant de ces limitations.

Voici comment le TF décrit ce partage des rôles :

“3.2. Aufgrund dieser tatsächlichen und rechtlichen Gegebenheiten hat die Rechtsprechung seit jeher die Aufgaben von Rechtsanwender und Arztperson im Rahmen der Invaliditätsbemessung wie folgt verteilt: Sache des (begutachtenden)  Mediziners ist es erstens, den  Gesundheitszustand zu beurteilen und wenn nötig seine Entwicklung im Laufe der Zeit zu  beschreiben, d.h. mit den Mitteln fachgerechter ärztlicher Untersuchung unter Berücksichtigung der subjektiven Beschwerden die  Befunde zu erheben und gestützt darauf die  Diagnose zu stellen. Hiermit erfüllt der Sachverständige seine genuine Aufgabe, wofür Verwaltung und im Streitfall Gericht nicht kompetent sind (z.B. Urteil 9C_437/2012 vom 6. November 2012 E. 3.2). Bei der Folgenabschätzung der erhobenen gesundheitlichen Beeinträchtigungen für die Arbeitsfähigkeit kommt der Arztperson hingegen keine abschliessende Beurteilungskompetenz zu. Vielmehr  nimmt die Arztperson zur Arbeitsunfähigkeit Stellung, d.h. sie gibt eine  Schätzung ab, welche sie aus ihrer Sicht so substanziell wie möglich begründet. Schliesslich sind die  ärztlichen Angaben eine wichtige Grundlage für die juristische Beurteilung der Frage, welche Arbeitsleistungen der Person  noch zugemutet werden können (so die mit BGE 105 V 156 E. 1 in fine S. 158 f. begründete und in zahllosen Urteilen bestätigte Rechtsprechung, z.B. BGE 132 V 93 E. 4 S. 99 f.). Nötigenfalls sind, in Ergänzung der medizinischen Unterlagen, für die Ermittlung des erwerblich nutzbaren Leistungsvermögens die Fachpersonen der beruflichen Integration und Berufsberatung einzuschalten (seit BGE 107 V 17 E. 2b S. 20 geltende Rechtsprechung, vgl. Urteil 8C_545/2012 E. 3.2.1, nicht publiziert in BGE 139 V 28). An dieser Rechtslage haben die von der Vorinstanz relevierten Schlussbestimmungen zur IV-Revision 6a mitsamt Materialien, wonach Depressionen nicht in deren Anwendungsbereich fallen sollen (AB 2010 N 2117 ff., 2011 S. 39 f.), nichts geändert.”
Ici, le TF estime que les juges du TC SG ont outrepassé leur rôle : les médecins n’ont pas, à son avis, attesté d’une véritable dépression qui serait différente d’une simple réaction psychique au SPECDO et aux événements négatifs de la vie, et il résulte du dossier que la patiente ne se soigne pas vraiment pour cette dépression, de sorte que le caractère invalidant de celle-ci est douteux.
La rente accordée par le TC SG est supprimée.

ATF 9C_850/2013 du 12.6.2014, destiné à publication

Notre commentaire :

Le TF devient de plus en plus sévère en matière d’incapacité de travail psychique ou SPECDO pouvant conduire  à une rente. Voir aussi, affaire comparable, dans le même sens :  8C_822/2013 du 4 juin 2014.

Nous estimons que cet arrêt du 12 juin 2014, destiné à publication, ne clarifie pas vraiment les rôles respectifs de l’expert et du juge. En effet, l’expert doit continuer à donner son avis sur la capacité de travail, et le juge doit trancher la question, qualifiée de juridique, mais qui est en fin de compte aussi médicale, de la surmontabilité des troubles par un effort de volonté. Où est exactement la limite entre ces deux appréciations ? Et ici, le TF se mue quelque peu en psychiatre pour ce qui est de la dépression… Élément positif toutefois : il faut le cas échéant examiner concrètement les possibilités restantes de travail, via des spécialistes de l’intégration professionnelle.

Quelques minutes statistiques peuvent décider d’une rente AI !

Lorsqu’une personne est invalide, son degré d’invalidité est en général calculé par la “comparaison des revenus”. Son salaire d’invalide effectivement réalisé, ou réalisable, est comparé au gain sans invalidité. Le salaire réalisable (approche théorique) est fondé sur l’Enquête suisse sur les salaires (ESS) de l’Office fédéral de la statistique (OFS)

Or, cette enquête se fonde systématiquement sur une durée “standard” des heures de travail : 40 heures.

Les Tribunaux augmentent non moins systématiquement cette durée à 41,8 heures, en se basant sur la réalité de la durée du travail en Suisse, également donnée par l’Office fédéral de la Statistique (OFS).

Or, ces dernières années, cette durée a légèrement baissé. Elle n’est plus, selon un communiqué OFS du 20 mai 2014, que de 41,16 h. en moyenne (durée effective, déterminante).

Cette différence de 0,64 heure est minime, mais elle peut être décisive, notamment lorsqu’on est à la limite entre deux niveaux de rente. Si le gain théorique est un peu plus bas, la perte due à l’invalidité sera également légèrement plus basse. Exemple : une personne invalide gagne encore 1’500.-, alors que sans invalidité et avec 41,8 heures travaillées par semaine elle gagnerait par hypothèse Fr. 5’000.-. Son invalidité est ainsi de 70 % (perte de 3’500.- sur 5’000). D’où une rente entière. Mais avec un nombre d’heures de 41,16, ces 5’000.- tombent à 4’923.-. La perte devient 4’923.- ./1’500.- = 3’423.-, ce qui, rapporté à 4’923.- donne une invalidité de 69,5%, d’où seulement 3/4 de rente !

C’est dire qu’il faut faire les calculs avec précision et, peut-être, plaider qu’il faut réduire aussi le pensum du gain effectivement réalisé…

 

Droits envers une ancienne Caisse de pension : prescription ?

Mme X. a quitté une Caisse de pensions en 2000. Par la suite, elle est devenue invalide. Il n’est pas contesté que la cause de cette invalidité est la même que celle qui lui avait donné droit, à l’époque, à des prestations pour incapacité de gain. Autrement dit, c’est bien la maladie ayant causé l’incapacité de l’époque qui a entraîné, bien plus tard, une invalidité (art. 23 LPP).

Mm X n’ouvre cependant action contre cette Caisse qu’en 2011, pour des rentes et pour la prestation de libération des primes. Le Tribunal des assurances de Zurich déclare que la prescription est intervenue (délai de 10 ans pour le droit de base). Certes, l’art. 41 LPP a été modifié le 1.1.2005 en faveur des assurés, en ce sens que le délai de 10 ans ne peut leur être opposé que s’ils ont quitté la Caisse. Le texte est le suivant :

Le droit aux prestations ne se prescrit pas pour autant que les assurés n’aient pas
quitté l’institution de prévoyance lors de la survenance du cas d’assurance.

Le “cas d’assurance” survient, selon le TC ZH (et le TF), au moment où la personne devient invalide. Or, c’était après sa sortie de la Caisse.

Mais Mme X, de son côté, estime que l’art. 23 LPP l’emporte : si, grâce à cette disposition, on peut rattacher l’invalidité à la période où la personne était affiliée, cet art. 23 doit l’emporter sur le texte de l’art. 41 LPP. Read more…

Impossibilité psychique de travailler à un poste de travail : devoirs de l’employeur

X.  est chef-poissonnier. En cette qualité il a travaillé  à deux magasins  des villages de A. et B.

Il est atteint d’une incapacité de travail pour des raisons psychiques liées en bonne partie à ces deux lieux de travail.  L’expert-psychiatre atteste cependant qu’il pourrait travailler dans d’ autres magasins de la chaîne, ce à quoi X se déclare disposé.  L’employeur n’est pas de cet avis et l’assigne au magasin de A, ce que, dans un premier temps, X accepte. L’employé ne se présente pourtant pas à ce travail et se fait licencier (licenciement ordinaire, avec préavis, non licenciement immédiat). Il estime ce licenciement abusif et attaque la chaîne devant le Tribunal de Prud’hommes. Débouté en première instance, il obtient gain de cause en appel. Mais l’employeur recourt au TF.

Cette autorité judiciaire constate que le litige se situe dans le cadre de l’art. 328 CO, prescrivant à l’employeur de protéger la santé et la personnalité du travailleur. Certes, celui-ci, dans un premier temps, ne s’était pas opposé à cette assignation au magasin de A. Mais cette absence de refus est justement, selon l’expertise, à mettre au compte de sa maladie psychique. Or,  l’employeur, de son côté,  n’a pas indiqué de raisons valables l’obligeant à garder ce salarié justement là où il ne pouvait travailler. Le licenciement est bel et bien abusif et le jugement cantonal doit être confirmé.

ATF du 19.2.2014 4A_2/2014

Notre commentaire :

Cette action du salarié n’était pas “gagnée d’avance”, et il semble que la décision de la Cour d’appel, puis du TF, favorable au travailleur, soit due avant tout à une défense procédurale de l’employeur quelque peu insuffisante : l’arrêt n’indique nulle part des arguments que l’employeur aurait fournis pour obliger son employé à rester précisément dans l’un des magasins où, psychiquement, il ne pouvait travailler. Mais le côté intéressant de l’arrêt, c’est qu’il rappelle l’importance de l’art 328 CO, spécialement dans des cas de harcèlement ou d’incompatibilité d’humeur au lieu de travail.

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