Bénéfice non réalisé sur une montre de collection: comment le calculer ?
Un acheteur de montres de collection venait d’acquérir une montre Patek Philippe pour 95 000 Fr., ce qui correspondait à la valeur du marché au moment de cet achat. La montre devait lui être livrée quelque temps plus tard. Le vendeur n’a jamais été en mesure de livrer cette montre.
Peu de temps après cet achat, la valeur de cette montre sur le marché a pratiquement doublé. L’acheteur indique qu’il aurait certainement pu la revendre pour au moins 195 000 Fr. Ainsi, la demeure ( c’est-à-dire la défaillance) du vendeur lui cause un dommage qu’il chiffre à plus de 100 000 Fr., représentant le bénéfice manqué. Il réclame donc ce bénéfice manqué au vendeur en défaut. Il obtient pour l’essentiel gain de cause devant les tribunaux genevois. Le vendeur fait cependant recours au Tribunal fédéral (TF), avec comme argumentation principale que la possibilité de revendre la montre au prix du marché n’était qu’une hypothèse. Aucun acheteur à ce prix n’avait été présenté. On ne peut pas parler, selon ce vendeur, d’un gain manqué si on ne fournit pas la preuve d’une occasion concrète de revente.
Le TF se réfère à l’article 191 alinéa 3 du Code des obligations.Le premier alinéa de cette disposition est ainsi rédigé : « Le vendeur qui n’exécute pas son obligation répond du dommage causé de ce chef à l’acheteur».
Quant à l’alinéa 3, il dispose : « Si la vente porte sur des marchandises cotées à la bourse ou ayant un prix courant, l’acheteur peut se dispenser d’en acquérir d’autres et réclamer, à titre de dommages intérêts, la différence entre le prix de vente et le cours du jour au terme fixé pour la livraison ».
Le TF considère donc, sur la base des preuves retenues par les juridictions genevoises, que les montres de collection ont un véritable « prix courant ». C’est bien ce « prix courant » qui avait doublé en peu de temps. Dès lors, le recours est rejeté. Le vendeur défaillant est condamné à payer ce bénéfice manqué, ainsi que tous les frais et dépens.
ATF 4A_365/2024 du 30 janvier 2025