Suppression des rentes AI : un “coup de frein” bienvenu du TF

En 1994, l’AI avait accordé une rente entière à un assuré né en 1949. Il avait une fibromyalgie, des traits de personnalité paranoïaques et des apnées du sommeil. Le taux d’invalidité reconnu était de 80%. Ce droit fut confirmé en 1997 et 2001.

En 2004, de nouveaux documents médicaux furent demandés, que l’Office AI jugea insuffisants. Il mit alors en oeuvre un examen clinique bidisciplinaire (psychiatrie et orthopédie) par ses “médecins-maison” (le Service médical régional, SMR). Cette “expertise” conclut à ce que les traits de personnalité et les problèmes psychiatriques n’empêchaient pas une activité dite adaptée, à plein temps. Sur quoi l’Office AI supprima la rente dès 2009, ce que le Tribunal cantonal vaudois, sur recours, approuva. L’assuré recourt au TF.

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Attention : les prêts sont en principe prescrits après 10 ans

En 1993, A prête à son frère R un montant de fr. 50’000.-. Des intérêts n’étaient pas prévus et rien n’était dit quant à la durée du prêt.

Il y eut ensuite divers décès dans la famille et le remboursement du prêt fut réclamé en 2010.

Les héritiers du prêteur admettaient certes que la prescription était intervenue en 2003, mais ils faisaient valoir que cette prescription avait été interrompue par une reconnaissance de dette orale, lors d’un repas de famille, par l’une des codébitrices.
En première instance, l’action est admise : le prêt doit être remboursé. En appel, il est jugé en sens inverse que la prétention est prescrite et que les fr. 50’000.- ne doivent pas être remboursés. Les héritiers du prêteur recourent au Tribunal fédéral.

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IIème pilier : ciel bleu ou orage?


On lit tout et n’importe quoi !

Pour les assureurs et gestionnaires, on serait au bord du gouffre, et il faudrait donc immédiatement baisser les prestations : moins de rentes et moins de rendement aux assurés.

Pour les travailleurs et les syndicats, la situation n’a jamais été meilleure : en 2012, les rendements obtenus ont largement dépassé ce qui a été attribué aux assurés, autrement dit ceux-ci ont été volés de plusieurs milliards.

Quelques titres de la presse toute récente :

  • Tagesanzeiger 20.9.12 : « Les caisses de pension vont un peu mieux »

  • idem 20.9.2012 :  « Le Conseil fédéral et les assureurs sont-ils des voleurs de rentes ? »

  • Le Temps, 24.9.2012 : « Le IIème pilier ? Il va bien ! Non, il meurt ! » (débat contradictoire entre deux gestionnaires professionnels, Martin Janssen, « pessimiste », et Olivier Kern, plutôt « optimiste »)

  • Saldo, 26.9.2012 : « La prévoyance-vieillesse va bien, de gros profits sont réalisés sur le dos des assurés » .

Il ne s’agit pas d’une discussion entre les tenants du verre à demi-vide et ceux du verre à demi-plein : car dans ce genre de discussion, on est au fond d’accord qu’il y a bien 50% d’eau dans le verre !

Ici, les enjeux sont considérables : une appréciation pessimiste peut conduire à des décisions de payer davantage (plus de cotisations), ou de verser moins aux assurés (réduction du taux d’intérêt servi aux assurés, baisse du taux de conversion (moins de rentes pour un même capital), ou encore à édicter des règles différentes de gestion. Les effets de telles décisions sont considérables à court terme (qui gagne ou perd chaque année?) comme à long terme (quelles garanties de solidité des caisses?)

Le IIème pilier est une épargne forcée, qui vaut actuellement près de … 800 milliards. Or, si la loi m’oblige à épargner, et sans que je puisse choisir comment, qu’elle me garantisse au moins des rendements tels que je retrouve, à ma vieillesse ou immédiatement (si je deviens invalide ou si je sors de la caisse pour changer d’emploi), un capital correctement accru !

Voici les faits incontournables permettant de se faire une opinion :

  1. Le taux de couverture (le pourcentage des avoirs des caisses par rapports à leurs obligations, si elles devaient être liquidées demain) s’est rétabli, du moins pour les caisses privées. Il est de l’ordre de 107% en moyenne,voire supérieur, et il s’est amélioré pour les caisses publiques (env. 80%, alors qu’il il n’y a pour elles aucune nécessité d’atteindre le 100%).

  2. Le rendement légal minimal de 1,5% est fixé très, voire trop bas. Les capitaux rapportent actuellement quelque 8% . Swiss Life, qui avait menacé de renoncer aux affaires de IIème pilier si le peuple rejetait la baisse du taux de conversion (il ne s’est pas laisser impressionner), admet désormais que ce secteur est très lucratif pour elle (bénéfice 2011 : env. 500 mios). Le reproche de « vol de rentes » est fondé : les rendements obtenus sur les fonds des assurés leur appartiennent.

  3. Les frais administratifs demeurent excessifs, soit env. 1000.- par année et par assuré (1,2 milliards en 2009), ce qui fait tout de même 50’000.- sur une vie active !

  4. L’argument des « pessimistes », selon lequel il ne faudrait pas améliorer les prestations vu qu’on est actuellement dans une (légère) déflation (les assurés bénéficiant ainsi d’une appréciation réelle de leurs avoirs), n’a aucune base légale : la LPP ne tient pas compte de l’indice des prix, ce que le Conseil fédéral a rappelé dans son rapport de janvier 2012 sur la situation du IIème pilier.

  5. L’équilibre à long terme du IIème pilier est garanti, le vieillissement de la population étant plus que largement compensé par les cotisations des – plutôt jeunes –immigrés.

  6. Le taux de conversion, actuellement de 6,8% (un capital de 100’000.- est converti en une rente annuelle de 6’800.-), ne doit pas être abaissé, et cela pour 2 raisons au moins :

  • on ignore aujourd’hui quelle sera la situation sur les marchés financiers à l’échéance, éloignée de plusieurs années, voire dizaines d’années; restons-en à un raisonnement en capital

  • Les retraités actuels sont nés juste après la guerre (baby-boom) et ils seront moins nombreux dans quelques années

  • d’éventuels mancos de capital pour assurer une retraite valable (env. 60% du dernier revenu, en comptant avec l’AVS) peuvent aussi être comblés par des cotisations plus élevées, et non seulement par des prestations plus basses. Ce n’est pas pareil : les cotisations sont assumées tant par le salarié que par l’employeur, alors que la baisse des prestations reste entièrement à la charge des seuls salariés.

En conclusion, le système des 3 piliers voté en 1972 (épargne obligatoire) reste défendable, mais pour autant que la totalité des capitaux économisés par les salariés et des rendements qu’ils génèrent leur revienne. Tant que des tiers (assureurs, gestionnaires notamment) font leurs choux gras de ce gigantesque capital, il ne doit pas être question de baisses de prestations. S’il des assainissements importants devenaient nécessaires (ce n’est pas du tout le cas actuellement), il faudrait alors étudier une absorption du IIème pilier obligatoire par l’AVS, le IIème pilier sur-obligatoire pouvant le cas échéant être « sorti » du système et aller au IIIème pilier.

Philippe Nordmann

Du nouveau sur le préjudice ménager et les “chances de remariage” après un accident mortel

Me  Alexandre Guyaz signale un arrêt fribourgeois intéressant, qui l’a d’ailleurs suivi quant à la suppression de la réduction appliquée au conjoint ou partenaire de la victime, réduction fondée sur la prise en compte de “chances de remariage”.

Un cycliste de 35 ans est tué, son amie n’ayant que 24 ans lors de l’accident, 32 ans lors du jugement (!) Elle faisait valoir un préjudice ménager dû au décès, et refusait que son indemnité soit réduite pour “chances de remariage”. En première instance, elle n’a pas obtenu gain de cause, mais bien (partiellement) en 2ème instance.

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Une personne qui gagnait très peu jusqu’ici peut-elle recevoir une rente d’invalide (invalidité précoce ?) ?

Mme B., née en 1972, est musicienne indépendante. Elle avait subi en 1996 un accident de vélomoteur qui lui avait laissé des séquelles. De plus, elle avait eu une enfance difficile et, sur le plan psychique, elle était “borderline”.  En raison de tout cela, elle n’avait pu acquérir de formation, et elle se contentait donc de cette activité musicale, qui lui convenait, mais  ne lui rapportait que 8’000.- par an environ.

Pour statuer sur la rente demandée, l’Office AI, suivi par le Tribunal cantonal de Zoug,  a considéré qu’elle pourrait – si elle le voulait bien – travailler à 50 % et gagner ainsi 25’000.- par an. Ainsi, le gain théorique d’invalide était même largement supérieur au gain de valide ! Une rente était exclue.

Mme B. recourt au TF. Read more…

Rénovations lourdes : quand un locataire peut-il rester ?

Un locataire depuis 1983 se voit résilier son bail au motif que l’immeuble doit être entièrement rénové (colonnes de chute, électricité, toilettes et cuisines notamment). Selon le bailleur, ce locataire ne pourrait pas rester dans l’appartement durant les travaux. Le Tribunal des baux annule la résiliation : il juge que cette rénovation n’est pas indispensable techniquement et que le vrai but du bailleur est de relouer à un loyer supérieur. Au contraire, la Cour d’appel civile admet la validité de la résiliation, tout en accordant au locataire une prolongation de 3 ans jusqu’au 31 mars 2014. Celui-ci recourt au Tribunal fédéral en demandant que cette autorité juge de la même manière que le Tribunal des baux (annulation de la résiliation), très subsidiairement il conclut à une prolongation jusqu’au 31 mars 2015 (4 ans, prolongation maximale).

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Quand une indemnité de tort moral est due, malgré une couverture LAA

X, âgé de 29 ans, qui circulait à vélo, a subi lors d’un accident sans faute de sa part de multiples fractures qui ont nécessité plusieurs mois d’hospitalisation, près d’un an et demi d’incapacité totale de travail, de nombreuses interventions chirurgicales et entraîné des séquelles physiques et psychiques. Il réclame du tort moral à l’assurance r.c. adverse.  Celle-ci objecte que l’assureur LAA versera sans doute une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI), qui devra être imputée. Par conséquent, en l’état, il ne peut se voir allouer de tort moral.

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Assurance-invalidité : quand un indépendant peut-il est contraint de changer de profession ?

Un garagiste indépendant de 53 ans, atteint dans sa santé, continuait à exploiter son entreprise, à 50%, et demandait donc une demi-rente. L’AI faisait valoir que, s’il travaillait comme salarié, il pourrait réaliser un meilleur revenu, soit 48% du gain qu’il aurait comme personne valide, cela en travaillant à 70%. Or, 48% d’invalidité de donne droit qu’à 1/4 de rente,

L’assuré recourt au TC, qui le déboute, puis au TF.

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Limites au monopole résultant d’un brevet ou d’une marque (affaire des capsules Nespresso)

Durant de longues années, Nespresso a bénéficié d’un brevet pour ses machines à café utilisant des capsules. On ignore si les capsules elles-mêmes étaient également brevetées. A l’expiration de ses brevets, elle a cherché à se protéger au moyen d’une marque tridimensionnelle, soit précisément la forme de la capsule.
Des produits concurrents, compatibles avec les machines Nespresso, sont alors apparus sur le marché, notamment les capsules de Ethical Coffee Company (ECC).
Nespresso a obtenu des mesures provisionnelles pour bloquer le marché et faire interdire les capsules ECC. ECC a recouru au Tribunal fédéral.

Cette autorité s’est tout d’abord demandé si un recours pouvait être déposé par ECC contre une interdiction provisoire de vente. Tel est bien le cas dit-elle, car une telle interdiction, qui peut durer jusqu’à la fin du procès au fond, est de nature à causer à ECC un préjudice irréparable, étant donné que c’est une jeune société en plein lancement.

Sur le fond, la question était de savoir si ECC avait rendu suffisamment vraisemblable que la forme des capsules ne constituait pas une marque valable, du fait que cette forme résultait d’une nécessité technique (être compatible avec les machines Nespresso). On rappelle en effet qu’une marque dont la forme résulte uniquement d’une nécessité technique ne peut pas être protégée. Il en va ainsi par exemple de la forme d’une vis, d’un filtre à air pour un véhicule, d’une pièce de rechange pour une machine, d’une cartouche pour une imprimante, etc.

ECC avait offert de prouver par une expertise technique – admissible même au stade des mesures provisionnelles – qu’effectivement la forme de la capsule Nespresso était dictée par des nécessités techniques et ne pouvait donc pas constituer une marque valable. ECC avait d’ailleurs produit une expertise privée allant dans ce sens.

Les juges vaudois ont refusé d’examiner cet argument sur la « nécessité technique », se bornant à dire que la marque avait été enregistrée officiellement par l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI), ce qui, à leur avis, laissait présumer qu’elle était valable.

Or, un tel enregistrement officiel ne confère aucune garantie sur le plan civil. Le juge civil ne peut pas se dispenser d’examiner cette question technique. D’ailleurs, ajoute le Tribunal fédéral, à supposer même que la capsule Nespresso soit considérée comme une « marque de haute renommée », sa protection serait tout de même exclue si, encore une fois, la forme n’est dictée que par le but technique.

Le Tribunal fédéral a manifestement été sensible au fait que Nespresso elle-même, tant que durait la protection du brevet, donnait à sa capsule un caractère « technique ». Une fois le brevet tombé dans le domaine public, elle ne pouvait simplement « changer son fusil d’épaule » et prétendre tout à coup que la capsule n’est pas une réelle invention technique mais une marque de fantaisie.

Le TF n’est toutefois pas allé jusqu’à donner définitivement tort à Nespresso; il a simplement ordonné qu’une expertise judiciaire – proposée par ECC au stade des mesures provisionnelles – soit administrée sur le caractère technique ou non de la capsule ECC concurrente de celle de Nespresso. Le fait de ne pas avoir ordonné une telle expertise rend arbitraire la décision vaudoise.

ATF 4A_36/2012 du 26 juin 2012

Notre commentaire :

Cet arrêt doit être salué. L’inventeur bénéficie d’un monopole pour toute la durée du brevet, mais il ne peut ensuite prolonger ce monopole par le biais d’une marque tridimensionnelle. Une marque doit être de fantaisie. Elle ne peut pas être simplement descriptive (par exemple : pas de marque « savon » pour un savon). Pour les marques tridimensionnelles, la forme ne doit en aucun cas être dictée par des nécessités techniques : le domaine des brevets et celui des marques ne se recoupent pas. Il est bon de rappeler aussi que les marques sont enregistrées, comme on disait autrefois, « SGDG » (sans garantie du gouvernement), ce qui signifie que le juge civil reste libre de statuer sur la validité d’une marque officiellement enregistrée.
Certes, les enjeux économiques de ce genre de litige sont colossaux. Jusqu’à l’arrivée des capsules concurrentes, Nespresso a pu réaliser des chiffres d’affaires gigantesques. Mais il serait un peu « fort de café » que le monopole de Nespresso soit illimité. Au demeurant, les machines ne nécessitant pas de capsule du tout tendent à se perfectionner et constituent, elles aussi, une concurrence bienvenue, apportant un abaissement très substantiel du prix d’un café…

2ème pilier : fr. 1.- sur 5.- ne profite pas aux assurés

Rudolf Strahm, ancien « Monsieur Prix », a publié dans le Tages-Anzeiger du 10 juillet 2012 un article percutant et qui a été cité partout, vu les qualités d’analyse économique de cet auteur.

Les institutions de prévoyance professionnelle collectives ou autonomes, qui gèrent environ 700 milliards, n’expliquent pas pourquoi leurs frais et pertes sont si élevés. Elles se bornent à parler de « sous-couverture ». Cette situation est assez souvent catastrophique pour les caisses des employés publics qui doivent être renflouées par les contribuables.

Il ne suffit pas, selon Strahm, de se réfugier derrière la « mauvaise évolution des marchés » ou d’invoquer le vieillissement de la population. Il faut « creuser » pour trouver les véritables raisons, qui sont :

–          les frais élevés d’administration et de gestion de fonds,

–          les investissements risqués dans des produits financiers louches.

Sans même tenir compte des pertes sur investissements, les montants enlevés aux assurés, selon une étude de l’OFAS, sont au total d’environ 5,7 milliards de francs par année (pour les 2300 caisses de pensions de Suisse). Cette somme, soit approximativement 1% de tous les avoirs, suffit hélas à « tuer tout rendement ».

Comme remède, les spécialistes des caisses de pensions proposent de diminuer les rentes, en abaissant le taux de conversion. Ces experts sont bien souvent eux-mêmes des gérants de fonds de pensions, comme par exemple le Prof. Martin Janssen !
Strahm exige une transparence totale des coûts, qui doivent être exprimés en francs par assuré et en pourcent des avoirs. Il faut ensuite des règles plus strictes sur les investissements, qui ne doivent pas être spéculatifs (Hedge Funds, Fonds de Private Equity, spéculation sur les matières premières, etc).

Il faut ensuite que les honoraires des « experts », y compris les rétrocessions, provisions, etc. soient clairement indiqués.

Strahm exige ensuite une responsabilité personnelle de ces multiples « conseillers ».

Strahm conclut en disant que ces mesures rigoureuses de contrôle se justifient s’agissant d’une épargne obligatoire. Il faut reconstruire la confiance dans le système du 2ème pilier. Ce n’est qu’ensuite qu’on pourra éventuellement étudier des modifications sur les rentes, en se souvenant que le peuple n’en veut pas puisqu’il avait rejeté un tel projet, portant sur la baisse du taux de conversion, par 73% en 2010.

Notre commentaire :

Enfin quelqu’un qui parle clair, mais dont on peut malheureusement craindre que la voix reste sans écho tant le lobby des caisses de pensions est puissant, épaulé par les assureurs qui d’ailleurs – Strahm aurait pu l’ajouter – puisent largement dans les fonds de pensions pour rémunérer … leurs actionnaires !

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