SPECDO en assurance privée et obligation de l’assuré de réduire son dommage en surmontant son affection non organique

Un assuré s’estime en incapacité de travail en raison d’un « syndrome sans pathogenèse ni étiologie et sans constat de déficit organique » (SPECDO) et revendique des prestations d’une assurance-vie conclue en 1997. L’assureur se prévaut de la jurisprudence datant de 2004 selon laquelle ce genre de troubles est présumé être surmontable par un effort de volonté (cette jurisprudence — comme on le sait — a été nuancée récemment dans le sens d’une moindre rigueur).

Les juridictions cantonales donnent raison à l’assuré : la jurisprudence de 2004 ne pouvait pas être connue en 1997 et n’est donc pas déterminante pour l’interprétation d’un contrat conclu cette année-là. De plus, l’assuré n’est pas en mesure de réduire son dommage au sens de l’article 61 LCA.

L’assureur recourt au  TF. Il fait valoir qu’en 1997 déjà, ce genre d’affection n’avait pas « valeur de maladie ». De plus, l’assureur estime que la jurisprudence en matière d’assurance sociale doit valoir également dans l’assurance privée. Read more…

Stress post-traumatique : s’agit-il d’un SPECDO ?

A., né en 1972, est victime d’un tir par balles le 24 avril 2011. Il est blessé au cou et à l’épaule gauche. En automne de la même année, il demande des prestations AI, déclarant souffrir d’un stress post-traumatique le rendant incapable de travailler. Des expertises sont mises en route. L’office AI refuse toute prestation. Cette décision est confirmée par le Tribunal cantonal bernois. A. recourt au Tribunal fédéral (TF).

La question qui se pose dans cette affaire est celle de savoir si la nouvelle jurisprudence du TF au sujet du SPECDO (voir sur ce site ce que c’est) est applicable au cas du trouble de stress post-traumatique (TSPT, en allemand « posttraumatische Belastungsstörung », PTBS). Cette jurisprudence, comme on le sait, ne pose plus la présomption que les troubles de la « sphère » SPECDO sont surmontables, sauf preuve contraire — très difficile — de l’assuré, mais elle exige désormais toute une panoplie d’indicateurs selon une grille bien définie. Cette question n’a pas encore été tranchée.

Le TF rappelle que, par le passé, il avait parfois appliqué au TSPT la présomption que les troubles sont surmontables, mais sans dire expressément que ce trouble entre dans la sphère SPECDO. Qu’en est-il avec la nouvelle jurisprudence ?

Le TF définit ensuite ce qu’est véritablement un TSPT selon les manuels psychiatriques généralement reconnus. Il estime que ce diagnostic s’apparente, par l’absence de constatations objectives, à la sphère SPECDO. Il refuse cependant la demande de l’Office fédéral des assurances sociales qui souhaitaient que toutes les maladies psychiques soient soumises désormais à la sphère SPECDO.

Dans le cas précis, il estime que les expertises, même s’ils ont été conduites selon l’ancienne jurisprudence basée sur la présomption de surmontabilité, ne perdent pas totalement leur valeur selon la nouvelle jurisprudence. En l’espèce, l’expertise contient les indicateurs suffisants même selon la nouvelle jurisprudence. Le TSPT n’a pas été grave. Il n’y a pas de dépression. Les activités quotidiennes de l’assuré peuvent être exercées, y compris des activités agréables. Dans ces conditions, il n’y a pas d’invalidité suffisante pour déclencher un droit à des prestations AI.

ATF 8C_676/2015 du 7 juillet 2016, destiné à publication

Notre commentaire

Lentement, mais sûrement, on assiste à une extension de la nouvelle jurisprudence SPECDO au domaine psychiatrique en général, même si, dans la présente affaire, le TF n’a pas expressément fait droit à une requête de l’Office fédéral des assurances sociales dans ce sens. Nous doutons de la pertinence de cette tendance, notamment en ce qui concerne les maladies psychiques faisant l’objet de diagnostics précis et généralement reconnus, les dépressions, les troubles bipolaires, la schizophrénie etc. qui sont en général des maladies psychiques graves et invalidantes. À notre avis, toutes les invalidités psychiques ne sont pas des SPECDO et ne devraient pas être traitées comme telles, même si la jurisprudence SPECDO a été sensiblement améliorée par l’arrêt 141 V 281, qui abandonne à juste titre cette présomption de « surmontabilité par un effort de volonté ».

Travailleuses et travailleurs à temps partiel : un arrêt très important du Tribunal cantonal de Saint-Gall, à l’encontre de la jurisprudence du TF

 

Tribunal des assurances Saint-Gall, arrêt du 24 mai 2016, IV 2014/125, aimablement communiqué par Maître Adrian Zogg 

L’arrêt porte sur des questions de principe fondamentales. Il s’agit de savoir si et quand la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité  –  consistant à déterminer une répartition entre l’activité professionnelle et le ménage, puis à étudier les empêchements dans chacun de ces 2 domaines, pour aboutir par leur pondération à un taux global d’invalidité  – est ou non conforme à la loi.

Le TF a affirmé à plusieurs reprises cette conformité. Mais, de son côté, la Cour européenne des droits de l’homme, par un tout récent arrêt Di Trizio rendu  le 2.2.216 (7186/09) contre la Suisse par la Petite Chambre — donc encore susceptible de recours auprès de la Grande Chambre — a constaté que cette « méthode mixte » désavantage en général les femmes et constitue ainsi une discrimination indirecte à raison du sexe, violant l’article 14 CEDH, en liaison avec la disposition protégeant la vie de famille (Art. 8 CEDH).

Voici une traduction, résumée et adaptée, de cet arrêt :

Madame X, gravement atteinte dans sa santé, indique dans le questionnaire ad hoc que si elle était en bonne santé et compte tenu de l’âge de sa fille, elle travaillerait de 40 à 50 %.

L’office AI estime de son côté que si elle était en bonne santé, Madame X travaillerait à 100 %, mais seulement une fois que sa fille aura 3 ans (car elle peut alors être placée en crèche). Jusque-là, Madame X est uniquement occupée au ménage et à l’éducation de sa fille, domaines dans lesquels elle n’est pas handicapée. En revanche, au-delà de l’âge de 3 ans de sa fille, une occupation professionnelle à 100 % est exigible et, à partir de ce moment-là, il y a bien un handicap professionnel justifiant une rente entière.

Madame X s’élève contre le fait qu’une rente lui est refusée pour les 3 premières années de vie de sa fille. Autrement dit, elle veut que le point de départ de la rente soit avancé.

Ce litige sur le point de départ la rente donne au Tribunal des assurances de Saint-Gall l’occasion d’analyser en détail le bien-fondé de la « méthode mixte ».

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Une rente d’assurance accident peut devoir être remboursée avec effet rétroactif !

La Suva réclame à un assuré un remboursement de Fr. 115’000 .- correspondant à une rente touchée depuis quelques années. En effet, la Suva décide que la décision de rente rendue à l’époque était manifestement erronée et qu’elle doit donc être corrigée par voie de reconsidération, et cela avec effet rétroactif. L’assuré admettrait à la limite que la rente soit supprimée pour l’avenir, mais en aucun cas il ne peut accepter l’effet rétroactif l’obligeant à un si important remboursement. L’assuré recourt sans succès auprès des instances cantonales. Il saisit donc le Tribunal fédéral (TF). Read more…

Assurance perte de gain et invalidité : que faut-il prouver pour toucher des rentes ?

Un commerçant conclut une assurance-vie auprès de la Vaudoise Vie, prévoyant, en cas d’incapacité de travail et de gain, une rente mensuelle d’invalidité, ainsi que des primes gratuites (dispense de l’obligation de payer les primes). Ce type d’assurance peut faire partie de l’une ou l’autre de deux catégories bien distinctes : il peut s’agir d’une assurance de somme ou d’une assurance de dommages, selon la manière dont la police et les conditions générales sont rédigées.

En l’espèce, une rente fixe était mentionnée dans la police. L’assuré pensait que s’il devenait incapable de travailler, il toucherait sans autre la rente prévue. Pour lui, on était dans une assurance de somme, sans nécessité de prouver l’ampleur de la perte économique subie. La compagnie d’assurances voyait les choses différemment : se basant sur ses conditions générales, qui exigeaient que l’assuré prouve une perte de revenus ou un autre préjudice pécuniaire équivalent (à une telle perte), elle faisait valoir que l’assuré, certes incapable de travailler, n’avait néanmoins pas prouvé un dommage pécuniaire. Par conséquent, il n’avait pas droit à la rente. Les deux instances cantonales donnent tort à l’assuré, qui recourt au TF.

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La pénurie de logements peut à elle seule justifier une contestation du loyer initial ?

Deux locataires, employés de banque, sont déplacés de Genève à Zurich, où ils doivent impérativement trouver un logement. Sans qu’il soit établi qu’ils ont fait des recherches particulières, ils trouvent un logement de trois pièces et demie dans les combles (assez petit, partiellement mansardé, selon ce que l’on a pu voir à la télévision). Le loyer est cependant très élevé, soit Fr. 3’900.- plus acomptes de charges de Fr. 300.-. Ils contestent ce loyer comme abusif. Le Tribunal des baux, puis le Tribunal cantonal zurichois, leur donnent tort. Ils recourent au Tribunal fédéral (TF).  Read more…

L’envoi recommandé contenait-il bien le document annoncé ?

Des locataires ont reçu leur bail, accompagné de divers documents sous pli recommandé. Sur leur bail figure la mention que celui-ci est accompagné de la fameuse « formule officielle » indiquant le loyer initial. Ultérieurement, ils prétendent que ce document — dont l’usage était obligatoire — n’étaient pas contenu dans l’envoi. Une employée de la gérance, entendue comme témoin, indique que généralement cette formule est jointe au bail. Rien ne permettait de dire qu’il en serait allé différemment dans ce cas. Les deux instances vaudoises donnent tort au locataire et considèrent que la preuve de l’absence de formule officielle n’a pas été apportée. Lesdits locataires recourent au Tribunal fédéral (TF). Read more…

Absence de couverture AI pour une première affection ; quid d’une nouvelle affection ?

Un assuré étranger arrive en Suisse en août 2008. Il subit un accident le 27 juillet 2009 (luxation de l’épaule gauche). Il dépose une demande de prestations AI le 13 août 2010. Ainsi, il ne remplissait pas la condition légale d’avoir cotisé trois ans au moment de la survenance de l’invalidité (juillet 2010). Toutefois, cet assuré souffrait en outre d’une schizophrénie paranoïde empêchant tout travail survenue, elle, depuis janvier 2012.

Considérant qu’il y avait une seule invalidité, l’office AI a refusé toute prestation. Au contraire, le Tribunal cantonal vaudois a admis une rente entière d’invalidité depuis janvier 2013. L’office AI, appuyé par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), recourt au TF.

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Invalidité et temps partiel : modification de jurisprudence

Une femme qui avait élevé ses enfants et qui travaillait à 60 % par choix devient totalement invalide. La question qui se posait était de savoir si son degré d’invalidité pour l’AI était de 60 % ou de 100 %. Selon l’ATF 131 V 51, cette personne aurait effectivement eu droit à une rente entière.

Toutefois, le TF considère désormais, en modification de cette jurisprudence, que les 40 % de «temps libre » ne sont pas assurés en AI. Si c’est vraiment par choix et non par obligation familiale (par exemple à cause de la présence d’enfants en bas âge, susceptible d’appeler l’application de la jurisprudence européenne — non encore définitive — Di Trizio, admettant que la méthode mixte peut constituer une discrimination des mères), il faut considérer que ladite assurée ne perd pas 100 % de sa capacité de gain à cause de son invalidité, mais seulement 60 % (pour autant que le handicap n’existe pas pour l’activité ménagère). Elle a donc droit à ¾  de rente, en application du  système de la « comparaison proportionnelle » des revenus.

ATF 9C_178/2015 du 4 mai 2007, destiné à publication

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Un partenaire de vie n’a pas forcément droit au capital de prévoyance

Un assuré en prévoyance professionnelle, disposant d’un avoir légèrement supérieur à Fr. 60’000.-, décède en avril 2014. Sa partenaire, avec qui il vivait depuis juin 2007, réclame le paiement du capital. L’institution de prévoyance refuse : le défunt ne lui avait pas annoncé sa vie commune avec cette partenaire. Or, le règlement prévoyait :

(traduction) « Ont droit au capital en cas de décès — indépendamment du droit successoral — pour autant qu’ils aient été désignés par écrit par le défunt :

•        le conjoint survivant

•        à défaut les enfants du défunt qui donnent droit à une rente d’orphelins

•        à défaut : le partenaire survivant, pour autant qu’indépendamment du sexe, il ait vécu en ménage commun avec la personne assurée pendant au moins deux ans avant le décès …

Si personne ne remplit ces conditions, le capital reste acquis à la caisse ».

Le règlement prévoyait encore que les ayants droits devaient communiquer cette désignation écrite du défunt dans les six mois suivant le décès.

En l’espèce, il n’y avait pas de conjoint survivant ni d’enfants. Quant à la partenaire survivante, elle n’était pas au bénéfice d’une désignation écrite par le défunt.

Elle se prévalait néanmoins d’un écrit qui, à son avis, pouvait remplacer une désignation formelle pour la caisse, à savoir un testament en sa faveur.

Dès lors, la question litigieuse était de savoir si l’on pouvait considérer ou non que le testament en question équivalait à une « désignation écrite ».

Le Tribunal cantonal répondit par la négative : la partenaire survivante n’a droit à rien. Celle-ci recourt au Tribunal fédéral.

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