Délimitation entre activité ménagère et activité professionnelle pour l’assurance-invalidité


Mme X. est réfugiée érythréenne, née en 1973, arrivée en Suisse en juillet 2014. Depuis 2018, elle a travaillé comme femme de ménage pour différents particuliers. Atteinte dans sa santé, elle a demandé une rente AI, qui lui a été refusée. L’Office AI a en effet indiqué que, sans atteinte à la santé, elle ne travaillerait qu’à 35% et que le 65% serait consacré à son ménage, où elle n’était pas handicapée. Pour les 35%, elle ne serait handicapée que pour la moitié, soit 17.5%. Mme X. conteste cette répartition selon le statut mixte de personne active à 35% et de ménagère à 65%. Elle fait valoir, devant le Tribunal cantonal fribourgeois, que, sans atteinte à la santé, elle travaillerait en réalité à 100% pour des motifs économiques. Le Tribunal cantonal fribourgeois la déboute et elle recourt au Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité constate tout d’abord qu’il n’était pas contesté, même par les juges fribourgeois, que l’assurée avait toujours manifesté sa volonté de travailler à plein temps si son état de santé le lui avait permis. La présence de son enfant ne constituait pas un obstacle. Cependant, les juges fribourgeois avaient refusé cette rente parce que la recourante n’avait pas pu augmenter son taux d’occupation à plus de 9 heures par semaine, en raison du fait qu’elle ne parlerait pas suffisamment bien le français, qu’elle ne serait pas bien intégrée ou qu’elle n’aurait pas de formation particulière. Le TF indique « en n’accordant pas ou que peu de poids à la situation financière (précaire) et familiale (sans obligation parentale contraignante) de la recourante, à sa volonté (constante) exprimée de travailler à plein temps … le Tribunal cantonal s’est finalement fondé sur les seuls critères de l’absence de connaissance du français ainsi que de formation et le manque d’intégration … ». Il s’agit d’une appréciation « sélective et arbitraire ». Les premiers juges « se sont bornés à entériner la situation effective, c’est-à-dire de retenir le taux d’activité mis concrètement en valeur par la recourante alors qu’elle était déjà atteinte dans sa santé, ce qui est contraire à l’évaluation hypothétique exigée sous l’angle juridique ». Les difficultés linguistiques et le manque d’intégration, d’ailleurs contestés, ainsi que l’absence de formation n’ont pas pu influencer négativement la possibilité d’augmenter le taux d’occupation. Il y a donc lieu d’admettre qu’il ne faut pas appliquer un statut mixte professionnel / ménager, mais considérer que, sans atteinte à la santé, l’assurée aurait travaillé professionnellement à 100%. Dans ce secteur, elle est handicapée à 55% et elle a donc droit, selon le Tribunal fédéral, à une rente AI de 50%. Le recours est ainsi admis.

ATF 9C_612/2023 du 3 avril 2024

Notre commentaire :

Cet arrêt est à saluer. En effet, il accorde crédit aux déclarations de l’assurée selon laquelle, sans atteinte à la santé, elle aurait pu et dû, pour des raisons économiques, travailler à 100%. Il est relevé aussi à juste titre que l’Office AI ne peut pas se baser sur la situation qui existe après survenance de l’atteinte à la santé pour en déduire que l’assurée n’aurait pas travaillé à 100%. Le Tribunal fédéral a aussi considéré à juste titre que, pour des activités non qualifiées accessibles à l’assurée sans l’atteinte à la santé (femme de ménage), il n’est pas absolument nécessaire d’avoir une connaissance parfaite du français.

-commentaires (0)-

Publier un commentaire