Propriétaire d’entreprise : vaut-il mieux pour lui être payé sous forme de salaire ou de dividende ? Mais pour l’AVS ?

 

Les caisses AVS, ces dernières années, constatent que des dirigeants de (plutôt petites) sociétés leur appartenant (en tout ou en bonne partie) et qui y travaillent choisissent de se fixer un salaire bas, mais des dividendes élevés.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’y a pas de cotisations AVS à verser sur les dividendes. L’AVS est ainsi, d’une certaine manière, »grugée«, et cela pour des centaines de millions.

Certes, la société paie alors davantage d’impôts, puisque ses charges salariales diminuent, autrement dit son bénéfice augmente. Mais ceci ne compense pas cela.

Quant à l’impôt sur les dividendes de l’actionnaire, il est réduit pour ceux d’entre eux qui détiennent plus de 10 % du capital, ce qui est largement le cas, parce que l’idée à la base de la loi ayant réformé la fiscalité des entreprises est de favoriser les actionnaires des »petites« sociétés, dans lesquelles leur propriétaire travaille.

L’ancienne juge fédérale Brigitte Pfiffner, dans un récent article du Tagesanzeiger (24.2.2023), donne l’exemple d’un entrepreneur de la construction qui déclare 100’000 fr. de salaire versé par sa société, mais 400’000 fr. de dividende, lequel n’est imposé que faiblement, et n’est pas soumis aux cotisations sociales. Mme Pfiffner indique que le TF a été confronté à ce problème dans une affaire nidwaldienne (134 V 297 du 5.6.2008). Ce canton cherchait un équilibre entre salaire et dividende. Dans le cas précis, il a jugé en faveur de l’actionnaire : le dividende n’était pas exagéré, par rapport à un capital très élevé (plusieurs millions) de la société. Le dividende était ainsi un rendement normal de ce capital.

Il faudrait, selon Mme Pfiffner, reprendre ce critère du rendement normal du capital, afin de pouvoir distinguer la rémunération du travail (avec cotisations sociales) de celle du capital (exemptée de ces cotisations sociales). Il n’est effectivement pas admissible, p.ex., qu’une étude d’avocat sous forme de SA avec un capital de 100’000 fr. puisse verser à l’avocat propriétaire un dividende de 200’000 fr (!). Une telle somme n’est plus le produit d’un capital si bas, mais, à l’évidence, celui d’un travail.

Revenu statistique des personnes handicapées : le bout du tunnel à fin 2023 ?

Plusieurs députés ont déposé en avril 2022 une motion demandant au Conseil fédéral d’établir un (nouveau) barème des revenus statistiques tenant compte d’un marché du travail qui englobe les personnes handicapées. En effet, selon plusieurs études, l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) fixe un salaire exigible beaucoup trop élevé, parce que basé sur les revenus des personnes non handicapées. Le Tribunal fédéral lui-même a critiqué cette solution (ATF 139 V 592, cons. 7.4; ATF 142 V 178, cons. 2.5.8). En outre, ce problème est encore aggravé dans la nouvelle détermination des degrés d’invalidité de l’AI, qui, depuis le 1er janvier 2022, n’est plus effectué de manière grossière (un 1/4 de rente, une demi-rente, 3/4 de rente), mais retient, comme en LAA, un pourcentage exact de taux d’invalidité.

Cette motion Pierre-Yves Maillard et consorts déposée le 6 avril 2022 au Conseil national  (conseil prioritaire), portant le No 22.3377, a été rejetée par le Conseil fédéral le 25 mai 2022. Elle demandait que ce même Conseil fédéral établisse ses bases de calcul jusqu’au 30 juin 2023.

Nonobstant cet avis du Conseil fédéral, disant que ce n’était guère possible de respecter un tel délai, le Conseil national a adopté la motion le 1er juin 2022. Le 26 septembre 2022, le Conseil des Etats, statuant comme seconde Chambre, a admis la motion, mais avec la date du 31 décembre 2023. Il y avait donc divergence entre les Chambres sur cette date.

Finalement, le Conseil national, en date du 14 décembre 2022, s’est rallié à cette date de fin décembre 2023.

Ainsi, on peut s’attendre dès 2024 (si ce délai est respecté) à une plus juste évaluation du taux d’invalidité. Un exemple illustrera cela :

Selon le droit actuel :

Assuré travailleur manuel encore capable, officiellement, de travailler à 80% dans une nouvelle activité dite adaptée (qui n’est souvent pas définie clairement…). Salaire avant l’atteinte à la santé : 70’000.-. Salaire statistique pour une telle activité 55’000.-, soit, à 80 % : 44’000.-. Taux d’invalidité : perte de 26’000.-, ce qui, rapporté à 70’000.-, donne 37 % d’invalidité, donc pas de rente.

Selon le nouveau droit espéré :  

Le salaire statistique englobant les personnes handicapées pourrait être de 50’000.- (au lieu de 55’000.-), ce qui donne, à 80% un salaire théorique de 40’000.- (au lieu de 44’000.-), soit une perte de 30’000.- (au lieu de 26’000.-) sur 70’000.- = 43 % d’invalidité, donc rente de 43%.

Motion 22.3377 de l’Assemblée fédérale

Notre commentaire :

Il y a des années que les assurés se plaignent, tant pour l’AI et la prévoyance professionnelle que pour l’assurance-accidents, de cette « approche théorique » qui les défavorise grandement. En effet, la base statistique indiquant quels sont les salaires de l’économie suisse ne tient compte que des salaires de personnes en bonne santé. Or, on parle ici précisément d’invalidité. Lorsqu’il s’agit de fixer le gain théorique exigible d’un invalide, on prend donc une statistique n’englobant que les personnes pleinement valides. Cela fausse grandement le résultat. Il faudrait une base de calcul, pour toute la Suisse, qui tienne compte à la fois des revenus des personnes valides et des personnes invalides, ce que demandait la motion Maillard et consorts, désormais adoptée pour déployer ses premiers effets à fin décembre 2023.

Pour bénéficier de ces nouveaux calculs, l’assuré peut naturellement chercher à retarder la décision jusqu’au début de l’année 2024, mais, d’un autre côté, on sait que les procédures ont de toute façon tendance à s’allonger, ce dont se plaignent précisément les personnes invalides. Il faut donc bien peser les avantages et inconvénients de retarder l’issue du cas jusqu’en 2024 et années suivantes.