Assuré de plus de 55 ans : quand une réadaptation par soi-même peut-elle être exigée ?

Un assuré, né en 1965, a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité, mais limitée dans le temps, cela en 2021. C’est bien cette date de la décision de l’Office AI qui est déterminante, voir ATF 148 V 321, cons. 7.3. Dans la présente affaire, l’Office AI n’a pas examiné, avant de rendre sa décision, si l’assuré avait besoin de mesures d’ordre professionnel, lesquelles ne lui ont d’ailleurs jamais été proposées. Or, cela doit en principe être fait, en vertu du principe que la réadaptation précède la rente. L’argument de l’Office AI était que de toute façon l’assuré aurait refusé de telles mesures parce qu’il se considérait comme invalide. Contre la docision négative de l’AI. l’assuré fait recours au Tribunal cantonal vaudois, qui le déboute. Il saisit alors le Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité rappelle les principes applicables aux assurés de plus de 55 ans ou qui ont bénéficié d’une rente pendant 15 ans au moins : ces assurés-là doivent pouvoir bénéficier d’un examen attentif quant à leurs possibilités de réadaptation. Le TF explique que cela « ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exceptions, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente ». Le TF ajoute : « Dans de telles situations, les organes de l’assurance-invalidité doivent vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste » (diverses jurisprudences sont citées).

Appréciant le cas concret, le TF donne tort à l’Office AI et au Tribunal cantonal vaudois en ces termes : « En présumant que l’intéressé aurait de toute façon refusé de telles mesures à supposer que l’Office intimé lui en eût proposées, de sorte qu’elles étaient vaines car vouées à l’échec, les premiers juges ont commis une violation du droit en ne faisant pas une application correcte de la jurisprudence. A cet égard, on rappellera que la motivation de l’assuré par rapport aux mesures de réadaptation doit faire l’objet d’un examen approfondi. (de la jurisprudence est citée).En l’occurrence, un tel examen n’a pas eu lieu, la juridiction cantonale s’étant bornée à déduire une absence de volonté subjective du recourant à participer à des mesures d’ordre professionnel, de son attitude au cours des thérapies mises en œuvre lors de son séjour à la Clinique romande de réadaptation ». Le recours est donc admis sur ce point.

ATF 9C_291/2023 du 30.01.2024

Notre commentaire :

D’une manière générale, les Offices AI sont réticents, depuis plusieurs années, à engager des mesures professionnelles, au motif que de toute façon, dès l’instant où un assuré fait valoir qu’il est incapable de travailler, il démontrerait par là même une inaptitude à de telles mesures professionnelles. Dans le droit fil de l’adage qu’en matière d’assurance-invalidité la réadaptation prime la rente, le TF se montre exigeant, pour les assurés ayant plus de 55 ans ou ayant bénéficié d’une rente pendant au moins 15 ans : l’aptitude à la réadaptation doit être examinée soigneusement en prenant en compte la totalité du parcours professionnel de l’assuré et sans présumer d’emblée qu’il n’a pas une volonté de se réadapter, ce qui dispenserait l’Office AI de lui proposer des mesures d’examen quant à la faculté de se réadapter ou des mesures professionnelles directement. Nous trouvons que cet arrêt est très important, en ce qu’il évite que soient laissés au bord du chemin les assurés âgés ou ceux qui ont été longtemps considérés comme invalides. Cette jurisprudence s’applique particulièrement lorsqu’il y a une suppression de rente. Nous espérons qu’à l’avenir les Offices AI tiendront compte de cette jurisprudence, qui n’est d’ailleurs pas nouvelle.

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