SPECDO ou dépression ? Rôle réciproque de l’expert médical et du juge
Une ouvrière ajusteuse souffre de divers « syndromes sans pathogénèse ni étiologie claire et sans constat de déficit organique » (en abrégé : SPECDO). L’expert médical de l’AI constate aussi une dépression de degré moyen. On ignore si la dépression est causée par les douleurs SPECDO ou si c’est l’inverse (douleurs SPECDO causées par la dépression). Selon cet expert médical, l’état de la personne entraîne une incapacité partielle de travail, d’env. 40%. La rente (1/4) est cependant refusée par l’AI, qui estime que le SPECDO n’est pas invalidant (il y a présomption que de tels troubles sont surmontables). L’assurée recourt au TC (SG), qui lui donne raison : l’affection psychique est établie, et dès lors le cas ne doit pas être soumis à la pratique restrictive applicable aux SPECDO. L’Office AI recourt au TF.
Cette autorité saisit l’occasion de cette affaire pour rappeler les rôles respectifs de l’expert médical et du juge. L’expert médical doit uniquement décrire les atteintes à la santé, poser le diagnostic, et indiquer en quoi ces atteintes limitent les activités de l’assuré. En revanche, il incombe à l’administration, et en cas de litige au juge, de décider du degré d’invalidité découlant de ces limitations.
Voici comment le TF décrit ce partage des rôles :
ATF 9C_850/2013 du 12.6.2014, destiné à publication
Notre commentaire :
Le TF devient de plus en plus sévère en matière d’incapacité de travail psychique ou SPECDO pouvant conduire à une rente. Voir aussi, affaire comparable, dans le même sens : 8C_822/2013 du 4 juin 2014.
Nous estimons que cet arrêt du 12 juin 2014, destiné à publication, ne clarifie pas vraiment les rôles respectifs de l’expert et du juge. En effet, l’expert doit continuer à donner son avis sur la capacité de travail, et le juge doit trancher la question, qualifiée de juridique, mais qui est en fin de compte aussi médicale, de la surmontabilité des troubles par un effort de volonté. Où est exactement la limite entre ces deux appréciations ? Et ici, le TF se mue quelque peu en psychiatre pour ce qui est de la dépression… Élément positif toutefois : il faut le cas échéant examiner concrètement les possibilités restantes de travail, via des spécialistes de l’intégration professionnelle.