Encore la réticence : quid d’un épuisement professionnel ?

Mme A., comptable, a travaillé dans une entreprise d’avril 2015 à juin 2017. Elle a rempli, au début de son emploi, une déclaration de santé à l’intention de la Caisse de pension, qui assurait des prestations allant au-delà des prestations minimales obligatoires. Son emploi s’est terminé à fin juin 2017 et elle a déposé une demande AI en septembre 2017, qui a abouti à une rente entière de l’AI dès janvier 2020. La Fondation LPP estime que la déclaration de santé remplie au début de l’emploi était mensongère et ne veut donc accorder que les prestations minimales. L’assurée n’est pas d’accord et actionne la Fondation de prévoyance au Tribunal cantonal de Zurich, qui lui donne tort. Elle recourt au Tribunal fédéral (TF).

Le TF rappelle les grands principes : il faut et il suffit que l’assuré réponde correctement aux questions. Il n’est pas obligé de signaler des points qui ne font pas l’objet du questionnaire de santé. Ce qui compte, c’est qu’un assuré raisonnable réfléchisse sérieusement à ce qu’il doit répondre. Mais il faut aussi que les questions soient suffisamment précises. Une réticence ne doit être admise que, justement, avec réticence…

En l’espèce, la question était : « Avez-vous ou avez-vous eu dans les dernières dix années des maladies du cerveau, des nerfs (p. ex. épilepsie, paralysie, sclérose multiple), du psychisme (p. ex. état de peur, dépression) ? ». L’assurée avait répondu négativement. Mais il était établi qu’elle avait subi en 2006 un état d’épuisement qui l’avait amenée à consulter un médecin, et des diagnostics divers avaient été posés tels que « burn-out », dépression d’épuisement, syndrome d’épuisement, épisode dépressif. L’assurée avait cependant précisé, en réponse à une autre question, qu’en 2012 elle avait été mise à l’arrêt à 50% pendant deux mois pour « surmenage professionnel » (« Überarbeitung »). En lisant cela, l’assurance aurait dû entreprendre des démarches pour clarifier cette situation, ce qu’elle n’a pas fait. Elle est ainsi privée du droit d’invoquer une réticence et l’assurée a droit aux prestations dites « surobligatoires ».

ATF 9C_50/2023 du 28.02.2024

Notre commentaire :

Cet arrêt rappelle opportunément l’obligation, pour les assurés, de répondre du mieux qu’ils peuvent, en réfléchissant sérieusement, au questionnaire de santé, sans rien chercher à cacher. Les assureurs, de leur côté, doivent poser des questions claires et précises. De surcroît, à réception des réponses des assurés, ils doivent, s’il y a un doute quelconque, chercher à clarifier la situation. S’ils omettent cette démarche pourtant essentielle, ils perdent le droit d’invoquer la réticence, qui ne doit être admise que restrictivement.

En l’espèce, le TF a été sensible au fait que l’assurée avait bien mentionné un arrêt de travail de deux mois pour cause de « surmenage professionnel », autrement dit qu’elle était de bonne foi. Face à cela, il n’apparaissait pas certain, du moins pour l’assurée elle-même, qu’elle avait subi des maladies du cerveau ou du psychisme. Cela nous paraît correct : un surmenage professionnel nécessitant un arrêt à 50% pendant deux mois n’équivaut pas forcément à une maladie, d’où l’obligation pour l’assureur de « creuser » ce point, ce qui n’avait pas été fait en l’espèce.

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