Couverture prolongée de prévoyance professionnelle étendue ?

Mme X. est atteinte depuis 2014 d’une sclérose multiple évoluant par symptômes. Elle travaillait à cette époque à plein temps et était assurée auprès de la Caisse de pension de COOP, pour des prestations dépassant le minimum obligatoire LPP. Son contrat de travail fut résilié au 31 octobre 2014. Après diverses mesures de réintégration professionnelle, elle fut déclarée totalement incapable de travailler dès mars 2018. Une rente AI lui fut attribuée à divers degrés selon les périodes, puis finalement une rente entière dès le 1er juin 2018. La Caisse de pension ne veut payer qu’une rente LPP minimale au motif qu’entre le 1er janvier 2017 et le 31 mai 2018 il n’y avait pas d’assurance plus exactement selon le règlement, c’est à dire étendue. L’assurée le conteste sans succès auprès du Tribunal de Bâle-Ville et elle fait recours au Tribunal fédéral pour obtenir une rente réglementaire et non seulement la rente minimale.

Cette autorité rappelle les principes, à savoir que selon l’art. 26 al. 3 LPP, le droit aux prestations s’éteint sous réserve de l’art. 26 a LPP à la disparition de l’invalidité. Que dit cette réserve ? Elle prévoit ce qui suit « si la rente de l’assurance invalidité versée à un assuré est réduite ou supprimée du fait de l’abaissement de son taux d’invalidité, le bénéficiaire reste assuré avec les mêmes droits durant 3 ans auprès de l’institution de prévoyance tenue de lui verser des prestations d’invalidité, pour autant qu’il ait, avant la réduction ou la suppression de sa rente d’assurance invalidité, participé à des mesures de nouvelle réadaptation destinées aux bénéficiaires de rentes au sens de l’art. 8 a LAI, ou que sa rente ait été réduite ou supprimée du fait de la reprise d’une activité lucrative ou d’une augmentation de son taux d’invalidité ».

Le règlement de la Caisse de pension faisait expressément référence à cet art. 26a LPP. La Caisse de pension et le Tribunal cantonal de Bâle-Ville estiment qu’il n’y a pas de maintien provisoire de l’assurance et du droit aux prestations selon l’art. 26 al. 1 LPP. L’assurée estime au contraire qu’il suffit, pour l’application de cette disposition, que des mesures de réadaptation aient eu lieu en quelque sorte en remplacement d’une rente. Elle invoque la Loi sur l’égalité, et demande à ce que le règlement soit interprété de manière non discriminatoire.

Le TF juge qu’il faut avoir touché une rente avant le début des mesures de réadaptation. Il ne suffit pas que le droit, reconnu bien plus tard, ait débuté avant ce début de la réadaptation. En analysant tant les travaux préparatoires de l’art. 26a LPP ainsi que la doctrine (les commentaires juridiques), le TF parvient à la conclusion que l’art. 26 a LPP vise les cas de « Rentensituation » (sous-entendu : il faut effectivement toucher une rente et il ne suffit pas que le droit soit reconnu ultérieurement avec effet rétroactif). En d’autres termes, le TF estime que la réadaptation de personnes touchant une rente est plus difficile qu’une réadaptation avant de toucher ladite rente. Le législateur aurait voulu, par cet art. 26a, éviter cette situation, où l’assuré en quelque sorte s’accroche à sa rente pour ne pas entrer dans une réadaptation. Et peu importe, selon le TF, que le moment d’octroi d’une rente soit aléatoire dans la procédure AI. Par conséquent, l’art. 26a LPP n’est pas applicable.

Arrêt 9C_6/2023 du 12 mars 2024 destiné à publication

Notre commentaire :

Il est vrai que le texte de l’art. 26a est relativement clair et laisse peu de place à une interprétation : seuls les rentiers qui touchent effectivement une rente au moment où ils participent à des mesures de réadaptation peuvent bénéficier du maintien provisoire de l’assurance et du droit aux prestations. Ceux qui se voient allouer après coup une rente avec effet rétroactif ne bénéficient pas de cet avantage. L’al. 2 de l’art. 26a utilise d’ailleurs le verbe percevoir (« l’assurance et le droit aux prestations sont maintenus aussi longtemps que l’assuré perçoit une prestation transitoire fondée sur l’art. 32 LAI »). Mais l’inconvénient de la jurisprudence nouvelle du Tribunal fédéral est de priver de la couverture provisoire les assurés invalides au sens de l’AI, mais dont l’invalidité tarde à être reconnue. On peut se demander s’il n’y aurait pas lieu de faire ici un correctif, qui incomberait au législateur, et cela pour tenir compte des délais considérables que met souvent l’AI à statuer.

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