Une thésaurisation excessive des caisses de pension
Les avoirs du IIème pilier avoisinent voire dépassent en Suisse les 700 milliards (!), soit davantage que tout le produit intérieur brut du pays. Ces fonds appartiennent aux assurés. Pour une part, ils couvrent les risques de décès et d’invalidité, mais pour l’essentiel ils leur profiteront à la vieillesse, sous forme de capital ou de rentes.
Ces fonds s’accroissent chaque année de 3 manières :
– par les cotisations en général paritaires des employés et des employeurs
-par la rémunération (intérêt et rendement) sur ces cotisations
– par la rémunération (intérêt et rendement) sur le capital accumulé, lui-même constitué des cotisations, des intérêts, des rendements .
Le Conseil fédéral a fixé que cette rémunération (taux de rendement) doit être au minimum de 1,5% seulement, ce qui est très peu pour de l’épargne obligatoire au très long cours. Il faut rappeler que le système, adopté par votation le 3 décembre 1972, est fondé sur une stabilité des rendements à long terme, lesquels ne doivent en principe pas trop fluctuer. Pendant des décennies, ce taux a été de 4%. Ce n’est que ces dernières années qu’il a progressivement été abaissé jusqu’à 1,5%.
Et voici le hic ! En principe, une Caisse de pensions devrait avoir un taux de couverture suffisant. On prend pour cela – dans une idée de couverture en liquidation – l’hypothèse la plus pessimiste, celle où elle devrait réaliser tous ses avoirs en quelques jours et rembourser tous les assurés simultanément. Bien entendu ce cas – où il faut 100% de couverture – ne se présente jamais. Or, les rendements de ces deux dernières années (la »performance ») ont été souvent supérieurs à 7 %. Si on ne verse que 1,5% aux asssurés, on accumule des réserves gigantesques. Le taux de couverture grimpe à 110 voire 115%. Comme 100% est déjà inutile, que dire alors de tels taux ? Seuls en profiteront les assurés qui restent dans la même Caisse jusqu’à leur vieillesse. Tous les autres, qui quittent la Caisse avec un libre-passage p.ex. parce qu’ils changent d’employeur, perdent définitivement ces « sur-rendements » qui devraient normalement leur profiter. Ajoutons cependant que la situation est un peu différente si on prend le taux de couverture sur la base des engagements futurs projetés, auquel cas la « sur-couverture » dépend du taux de rendement projeté pour les calculs.
Cette question de « sur-couverture » reste éminemment politique. Jusqu’où veut-on la solidarité ? Faut-il vraiment que les « sortants » individuels soient absolument solidaires des restants ? On comprend à la rigueur que cette solidarité soit appliquée en cas de liquidation partielle de la Caisse : s’il y a sous-couverture, le groupe des sortants est pénalisé et dans le cas inverse (sur-couverture) il est bénéficiaire. Mais le fait de priver un sortant individuel de sa part au rendement effectivement réalisé demeure à notre avis choquant …