Une menace d’invalidité est-elle suffisante pour obtenir des prestations AI ? Que valent les appréciations professionnelles ?

M. X., né en 1991, est agent de marketing. Il souffre de problèmes de dos, de céphalées ainsi que des problèmes psychiques. Ayant perdu son emploi, il a émargé un temps à l’assurance-chômage, dont cependant les prestations ont été stoppées pour cause d’insuccès d’une mesure d’occupation. De même, un entraînement sous l’égide de l’AI pour des petits travaux d’emballage a dû être interrompu en raison de fortes douleurs et d’aggravation de l’état psychique. L’AI a alors fait procéder à une expertise dont le résultat a été qu’il y avait une incapacité de travail ou de rendement de l’ordre de 30% seulement et que les troubles douloureux chroniques n’avaient pas d’effet sur la capacité de travail. L’AI a donc refusé ses prestations, ce que le Tribunal cantonal de Soleure a confirmé. L’assuré recourt au Tribunal fédéral (TF). 

En soi, le TF valide l’expertise qui avait conduit au refus de la rente. Toutefois, le litige porte également sur le droit de l’assuré à de plus amples mesures professionnelles. Pour le recourant, ce ne sera qu’au terme de ces mesures que l’on pourra juger définitivement s’il a droit ou non à des prestations financières de l’AI. 

Les services de réadaptation ont constaté qu’après 2 heures de travail dans cette activité légère d’emballage, l’assuré était épuisé et avait des douleurs importantes au dos et aux jambes et se plaignait d’une baisse de son état psychique. L’atelier a fourni à cet égard des données détaillées. Il est établi que l’assuré a essayé de « s’accrocher » à ces mesures professionnelles. 

Le TF se livre alors à une confrontation entre l’expertise médicale et les avis des spécialistes en réadaptation professionnelle. Notre Haute Cour reproche à l’expertise de ne pas s’être positionnée sur les rapports de la réadaptation. Certes, l’expertise devrait l’emporter sur ces rapports si l’assuré avait présenté des tendances à l’exagération et à la dramatisation, autrement dit s’il avait fait preuve de mauvaise volonté. Mais tel n’est pas le cas ici : rien ne permet de dire que le comportement de l’assuré n’a pas été adéquat lors des tentatives de réadaptation professionnelle. L’expertise ne se prononce pas non plus la valeur des attestations du psychiatre traitant. De plus, il faut tenir compte du fait que les assurés ont droit à des mesures de réadaptation, en vertu du principe que la réadaptation prime sur la rente, dès qu’il y a une menace d’invalidité. Le nouveau droit en vigueur depuis 2008 n’a pas repris la notion de menace imminente d’invalidité ; cette notion de menace est donc actuellement un peu plus large. En l’espèce, si l’on veut appliquer le principe que la réadaptation prime la rente, il y a lieu à des investigations complémentaires sur cette question de réadaptation. Le recours doit donc être admis. 

ATF 9C_539/2024 du 12.06.2025, destiné à publication

Notre commentaire :

Cet arrêt nous paraît extrêmement important, dans la mesure où il clarifie le rôle des spécialistes en réadaptation et augmente le poids qu’il faut donner à leur avis, par rapport à des rapports d’expertise qui ne tiennent pas suffisamment compte desdits aspects professionnels. Autrement dit, le principe que la réadaptation prime la rente est ainsi renforcé dans cet arrêt, qui doit être approuvé. 

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