Indemnités journalières : le TF annule une clause des conditions générales d’assurance (CGA)

M. X. était employé en radiologie à 80% et, à ce titre, assuré pour 90% du salaire durant 730 jours dont à déduire un délai d’attente de 90%.

Le 27 mars 2023, il tombe malade et l’assurance fournit les prestations contractuelles. Elle demande cependant une expertise médicale qui l’amène à stopper ses prestations le 1er août 2023, au motif qu’à cette date l’assuré pourrait exercer un autre travail qu’auprès de son ancien employeur. Le Tribunal des assurances sociales de Zurich donne raison à l’employé : l’assureur aurait dû lui accorder au moins 2 mois pour trouver ce nouveau travail.

L’assurance fait recours au Tribunal fédéral en invoquant ses conditions générales, qui excluaient un tel délai lorsque l’incapacité était liée à l’emploi exercé. L’assurance invoquait en outre l’art. 38a al. 1 de la LCA sur l’obligation qu’a chaque assuré de faire en sorte de diminuer le dommage autant que possible. Le texte exact de l’art. 38a est le suivant :

Art. 38a

1 Lors du sinistre, l’ayant droit est obligé de faire tout ce qui est possible pour limiter le dommage. S’il n’y a pas péril en la demeure, il doit requérir les instructions de l’entreprise d’assurance sur les mesures à prendre et s’y conformer.

2 Si l’ayant droit contrevient à cette obligation d’une manière inexcusable, l’entreprise d’assurance peut réduire l’indemnité au montant auquel elle serait ramenée si l’obligation avait été remplie.

Le Tribunal fédéral constate d’abord qu’il n’a jamais traité la question de la validité d’une clause excluant ce « délai d’adaptation » à une nouvelle place de travail. Il rappelle sa jurisprudence qui vise à accorder à chaque assuré un temps de transition nécessaire (p. ex. 4A_73/2019), ce qui vaut même si on envisage un simple changement de poste de travail et non de profession (diverses références sont citées).

La clause des CGA en question dans cette affaire a la teneur suivante (traduction) : « Une exigence de l’assureur selon laquelle un changement d’employeur, mais dans l’activité exercée précédemment, ne correspond pas à un changement de profession et ne donne pas droit à une indemnité journalière transitoire ».

Dès lors, la question qui se pose est celle de la validité d’une telle clause. Le Tribunal cantonal zurichois a jugé que la clause en question est nulle parce qu’elle viole du droit impératif. Le TF indique de son côté que l’assurance a le droit de concrétiser, dans ses conditions générales, les modalités de l’obligation de réduire le dommage. Néanmoins, l’autorité zurichoise a estimé incompatible avec la longue pratique du Tribunal fédéral le fait de ne pas accorder de délai transitoire pour changer d’emploi. L’assurance plaide devant le TF que cette considération est insoutenable. Le TF souligne de son côté qu’il a voulu, en accordant chaque fois un délai transitoire (souvent de 3 à 5 mois), aller dans le sens des assurés. L’exclusion totale de ce délai pour changer d’emploi viole les règles de la bonne foi. A cela s’ajoute, selon le TF, que cette clause exige quelque chose d’impossible. En l’occurrence, après une lettre du 28 juillet 2023, le nouvel emploi était censé être trouvé dès le 1er août 2023 (qui est d’ailleurs un jour férié). A cela s’ajoute que l’assuré était toujours sous contrat auprès de son employeur, nonobstant la résiliation, et cela sans dispense de travail.

L’assurance plaide encore qu’à tout moment, les parties auraient pu convenir d’une dispense de travailler. Cela aurait permis au salarié, s’il n’avait pas été malade, de chercher un nouvel emploi ou, s’il n’en trouvait pas, d’obtenir des prestations de chômage. Le TF balaie cet argument comme purement hypothétique.

S’agissant du rapport entre l’assurance-chômage et l’assurance d’indemnité journalière, il faut faire référence à l’art. 28 al. 2 de la Loi sur l’assurance-chômage (LACI), imputant les prestations de cette assurance sur les indemnités journalières (voir ATF 144 III 136, cons. 4). Le Tribunal fédéral rappelle qu’il en a déduit un temps d’adaptation de 3 à 5 mois, de sorte que la personne assurée ne peut être renvoyée, durant ce bref laps de temps, à l’assurance-chômage (ATF 4A_73/2019 du 29.07.2019, cons. 3.3.4). Le TF souligne que les autorités zurichoises, en refusant d’appliquer cette clause, ont néanmoins fixé à l’assuré un délai de 2 mois pour changer d’emploi, mais ce délai n’est pas contesté dans le recours de l’assurance au TF. Ce recours doit donc être rejeté.

ATF 4A_193/2025 du 15.09.2025 destiné à publication

Notre commentaire :

Nous approuvons totalement cet arrêt. Le TF aurait d’ailleurs pu également s’appuyer sur l’art. 8 de la Loi sur la concurrence déloyale (LCD), qui prohibe les clauses imprimées inéquitables et inhabituelles. Le jugement n’est pas, en l’espèce, fondé sur l’équité, mais sur la bonne foi, ce qui est un peu différent. On peut considérer que, par cet arrêt, destiné à publication, les assureurs font un « autogoal », en laissant invalider par le TF une clause défavorable aux assurés. Il faut ajouter que d’un point de vue pratique, les nouveaux emplois, surtout s’ils sont hyper-spécialisés, ne se trouvent pas, comme on dit « sous le sabot d’un cheval ». Dans bien des cas, même un délai de 3 à 5 mois après un licenciement lié au poste de travail peut ne pas être suffisant.

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