Quel est le gain présumé perdu (GPP) pour les calculs de surindemnisation en cas de travail à temps partiel ?

Mme X travaillait à temps partiel comme policière pour le canton du Valais. Devenue partiellement invalide, elle touche une rente de la Caisse de pension. Cette rente est cependant réduite pour cause de surindemnisation depuis le 1er octobre 2017 : le cumul des diverses prestations dépasse le 90% du gain dont l’assurée est privée (« gain présumé perdu » ou GPP). La question est de savoir comment calculer ce plafond (également appelé souvent « seuil de surindemnisation ») pour un assuré travaillant à temps partiel : si l’assuré démontre que sans invalidité il travaillerait désormais à plein temps, doit-on fixer ce plafond à un salaire de plein temps ou faut-il se baser sur le pensum que réalisait l’assuré lors de l’atteinte à la santé ?

La réponse du Tribunal fédéral est que cela dépend de la rédaction du règlement de prévoyance. Ici, le règlement de la Caisse de pension de l’Etat du Valais prévoyait : « les prestations selon le présent règlement sont réduites dans la mesure où, additionnées à d’autres revenus imputables, elles dépassent 90% du traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité ». Faut-il prendre le traitement du pensum réduit ou le traitement du pensum complet ?

En particulier, peut-on déduire quelque chose en faveur de l’assuré du conditionnel utilisé « s’il était resté en activité » ? Les premiers juges, dit le TF, se sont trompés en admettant qu’il fallait interpréter le règlement comme un contrat de droit privé, car on est ici en droit public et il faut procéder à cette interprétation comme on le ferait d’une loi. Le TF se base sur le terme de « traitement » qui s’apparente aux notions de gain et de salaire et ne se rapporte pas directement au taux d’occupation professionnelle. C’est à bon droit que la Caisse de pension se fonde sur sa pratique constante de ne pas tenir compte d’une augmentation éventuelle du pensum au moment du calcul de surindemnisation. Ici, on est dans une Caisse allant au-delà du minimum LPP (« Caisse enveloppante ») et, dès lors, les caisses ont une certaine liberté, pour autant qu’elles respectent le minimum légal au sens de l’art. 34 a al. 1 LPP (voir aussi l’art. 49 al. 2 LPP). D’où la conclusion du Tribunal fédéral : « C’est bien le taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité qu’il convient de prendre en compte afin de fixer la limite de surindemnisation ».

ATF 9C_630/2020 du 8 septembre 2021

Notre commentaire :

Cet arrêt démontre tout d’abord l’importance des termes utilisés dans les règlements, qu’il s’agisse de droit privé ou de droit public. Alors que la loi parle du « gain » présumé perdu, le règlement valaisan prévoyait la limite à 90% « du traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité ». Si, au lieu des termes « traitement annuel brut »  le règlement avait mentionné « gain annuel brut », la solution aurait-elle était inverse ? C’est ce que la lecture de l’arrêt suggère. Le litige aurait été évité si le règlement valaisan avait mentionné « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité dans la même proportion de temps ». Mais, à notre avis, la solution inverse aurait été, ici, tout à fait défendable. Pourquoi, en effet, exclure un pensum supérieur alors qu’on admettrait sans difficulté, p.ex. une progression statutaire dans l’échelle des salaires ?  Autrement dit, la solution du TF nous paraît discutable dans la mesure où l’assurée a pu démontrer en l’espèce qu’elle travaillerait à 100%, par exemple par nécessité économique et/ou parce que les enfants n’ont plus besoin de la présence de leur mère à la maison. Le TF rappelle d’ailleurs à juste titre son arrêt 142 V 75 en ces termes « s’il existe des éléments concrets permettant d’admettre qu’un assuré travaillant jusqu’alors à temps partiel aurait repris, en l’absence d’invalidité, une activité à plein temps, la limite de surindemnisation dans la prévoyance professionnelle doit être adaptée en conséquence ». On comprend d’autant moins qu’il ait jugé ici dans un sens défavorable à l’assurée.

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