Une opération non réussie peut-elle être un « accident » ?

M. X. doit subir une opération de la colonne cervicale en date du 18 octobre 2016. Lors de cette opération, il subit des lésions qui entraînent une tétraplégie partielle. S’agit-il ou non d’un « accident » survenu lors de cette opération, susceptible de justifier des prestations de l’assurnce-accidents obligatoire selon la LAA ?

Les experts neurochirurgiens admettent certes qu’il y a eu une erreur lors de ladite opération, mais le médecin qui y a procédé ne se serait pas écarté de façon importante des procédures habituelles. Aussi, l’assureur-accidents LAA refuse ses prestations. Le Tribunal cantonal de Fribourg lui donne raison. M. X. fait recours au Tribunal fédéral.

Cette autorité est donc chargée d’examiner s’il y a ou non un « accident opératoire » au sens de l’art. 4 de la Loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA). Le critère essentiel d’un accident est celui d’un facteur extérieur inhabituel qui provoque cet accident. Est-il réalisé ?

Le TF rappelle tout d’abord sa jurisprudence restrictive sur le fait de considérer que le facteur extérieur extraordinaire serait réalisé lors d’opération médicale. Il ne l’est que si l’on peut admettre que des confusions grossières et extraordinaires ou d’importantes maladresses, avec lesquelles personne ne doit compter, ont été commises.

Les aspects d’assurance-accidents obligatoire sont différents de ceux de la responsabilité civile en droit privé ou en droit public. Le droit pénal ne joue pas non plus de rôle.

Le TF analyse les rapports d’experts sur le déroulement de l’opération. Un instrument chirurgical a glissé (involontairement), ce qui a causé une lésion mécanique de la moelle épinière. C’est clairement une erreur du médecin, erreur qui ne devrait pas arriver.

Selon les experts, le fait que l’instrument a glissé et qu’il a contusionné la moelle épinière devrait n’arriver que très rarement, car l’opérateur est conscient d’un tel risque qu’il cherche par tous les moyens à éviter. Le TF estime cependant que l’intervention a été faite, de manière globale, en respectant ce qui est habituel du point de vue médical et que le risque qui s’est réalisé est rare. Par ailleurs, l’information du patient a été suffisante. Dans ces conditions, on n’est pas en présence d’un accident au sens de la LAA.

ATF 8C_688/2021 du 8.06.2022

Notre commentaire :

Le TF confirme sa pratique très restrictive pour admettre un « accident » dans le cadre d’une intervention médicale. Il prend soin toutefois de dire que ces critères restrictifs ne valent pas forcément en matière de responsabilité civile. On rappelle à ce propos qu’il appartient, en responsabilité civile, au médecin ou à l’hôpital recherché de prouver l’absence de faute (inversion du fardeau de la preuve). Ici, une faute (maladresse) a été clairement reconnue.

Nous trouvons néanmoins que la notion de caractère « extraordinaire » du geste ayant causé le dommage est considérée par le TF de manière trop restrictive. A notre avis, on pourrait aussi estimer que la rareté d’une telle maladresse devrait précisément entraîner l’admission de son caractère « extraordinaire ». Le TF juge le contraire.

-commentaires (0)-

Publier un commentaire