Avec 20% d’invalidité, a-t-on droit à un reclassement professionnel ?

M. X., né en 1988, est dessinateur électricien et a pu travailler durant de nombreuses années dans cette profession. Il souffre cependant d’un trouble bipolaire et s’annonce à l’AI. Après diverses analyses et expertises médicales, l’Office AI conclut que l’assuré peut encore, malgré son affection, gagner le 80% de ce qu’il obtiendrait s’il était en parfaite santé. Un droit à la rente est exclu (il faut être invalide à 40% au moins). La question se pose en revanche du droit à un reclassement professionnel. Cela est refusé par l’Office AI et par le Tribunal cantonal d’Argovie. L’assuré recourt au Tribunal fédéral (TF).

L’assuré invoque l’art. 17 LAI selon lequel « l’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. La rééducation dans la même profession est assimilée au reclassement ». Cette disposition est complétée par l’art. 6 du règlement AI (RAI) qui précise que « sont considérées comme un reclassement les mesures de formation… ».

Le TF considère que le but du reclassement est de compenser le mieux possible la perte de revenu due à l’invalidité. Tant mieux si ce reclassement conduit à un revenu supérieur à l’ancien revenu. Mais au moins les 20% de perte doivent conduire l’Office AI à examiner les possibilités de reclassement et/ou de formation complémentaire. Le recours est ainsi admis et la cause est renvoyée à l’Office AI.

ATF 9C_278/2022 du 13.10.2022

Notre commentaire :

Cet arrêt a été rendu en application de l’ancienne LAI en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Mais il va dans le sens des nouvelles conceptions de l’assurance invalidité, à savoir la réintégration la meilleure possible dans le marché du travail. En l’occurrence, la question qui se posait est intéressante et très pratique : faut-il un « minimum de préjudice » pour avoir droit à des mesures de reclassement/formation ? Autrement dit : un assuré doit-il accepter une perte de 20% (ne donnant pas droit à une rente) sans pouvoir tenter de la compenser par, précisément, un reclassement ou une nouvelle formation. Le TF – selon nous à juste titre – répond à cette question par la négative.

Ainsi, il n’apparaît pas qu’il faille un minimum de perte  due à l’invalidité pour pouvoir revendiquer un reclassement ou des mesures de formation. A noter cependant qu’en pratique cette « générosité » du TF, accordant de telles mesures même pour des pertes n’atteignant pas 20%, ne bénéficie guère aux professions les moins qualifiées et se trouve parfois en contradiction avec les approches théoriques de l’AI indiquant, pour de telles professions, qu’il incombe à l’assuré lui-même d’en trouver une autre respectant ses limitations médicales (même si dans la réalité, le plus souvent, de telles activités n’existent tout simplement pas).

-commentaires (0)-

Publier un commentaire