Le TF fait un pas de plus contre les poursuites abusives

On sait qu’en Suisse n’importe qui peut engager des poursuites contre un tiers, sans devoir prouver l’existence de sa créance. Le tiers poursuivi peut faire opposition, mais l’inscription au registre des poursuites subsiste même si le créancier ne demande pas la mainlevée de l’opposition dans le délai d’une année ni n’engage procès visant à faire reconnaître sa créance.

L’inscription d’une poursuite peut être nuisible pour prendre un crédit, signer un bail, s’engager pour un travail etc.

Le tiers qui s’estime injustement poursuivi ne pouvait jusqu’à présent utiliser une « action négatoire » qu’à des conditions extrêmement restrictives : il devait prouver que l’inscription d’une poursuite à son encontre lui causait un préjudice important.

Il existe certes la possibilité de contester une poursuite injustifiée au moyen de l’article 85a LP, mais ce moyen n’existe que si le poursuivi dispose d’un document prouvant l’inexistence de la créance.

Ici, un professionnel de l’immobilier était poursuivi pour plus de Fr. 40’000. Il engageait donc une action négatoire contre son poursuivant, visant à faire constater qu’il ne doit pas les Fr. 40’000. Il obtient gain de cause, mais le poursuivant fait recours au tribunal fédéral.

Cette autorité constate qu’il faut trouver un juste équilibre entre les intérêts du poursuivant, se disant créancier, à choisir le meilleur moment pour engager un procès et les intérêts du poursuivi de ne pas figurer injustement au registre des poursuites. Compte tenu d’une procédure de consultation favorable à un assouplissement des conditions fixées pour une action négatoire et des conséquences graves que peut avoir une inscription injustifiée au registre des poursuites, le Tribunal fédéral décide de ne plus exiger du poursuivi la preuve que celui-ci risque de subir un dommage important. Ainsi, le TF ouvre l’action négatoire d’une manière plus large. On peut exiger du poursuivant qu’il fasse valoir sa prétendue créance sans trop de retard. Une exception reste toutefois admissible lorsque la poursuite avait pour seul but d’interrompre la prescription.

ATF 4A_414/2014 du 16 janvier 2015, destiné à publication

Notre commentaire :

Enfin ! Cela fait longtemps que les milieux les plus autorisés de la pratique et de la doctrine réclament un assouplissement de la jurisprudence du TF contre les poursuites abusives. Le système suisse semble à cet égard être unique au monde, permettant à tout un chacun d’avoir accès à un registre public indiquant qui se prétend créancier de qui, registre qui joue un rôle très important dans la vie économique. Si l’on admet qu’une telle institution est justifiée dans son principe, elle ne doit évidemment pas conduire à des abus. Une poursuite ne doit pas être un moyen d’intimidation ou de pression. Le Parlement devrait même aller encore plus loin et décider la radiation d’office de toutes les poursuites qui ne sont pas suivies de mainlevée ou de procès.

 

 

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