Douleurs persistantes après un accident à la main : l’assureur-accident peut-il stopper ses prestations, malgré un « syndrome douloureux régional complexe « (SDRC) ?

Une dame a sa main écrasée par la vitre d’un guichet d’office postal, qui s’est abaissée soudainement, le 19 mars 2015. Elle est en incapacité de travail totale durant deux mois, puis retrouve, après une brève période d’incapacité partielle, une pleine capacité au bout de quatre mois. Mais des douleurs intenses subsistent. L’assureur accident obligatoire, Groupe Mutuel, décide de mettre fin à ses prestations au 30 septembre 2015, au motif que les médecins n’ont pas décelé de séquelles. Une scintigraphie osseuse avait été pratiquée, examen classique propre à déceler éventuellement une algoneurodystrophie, appelée également « syndrome douloureux régional complexe ou SDRC» (anciennement : Sudeck). Cet examen s’était révélé négatif.

La lésée recourt au Tribunal cantonal vaudois, qui, se fondant sur une expertise judiciaire, lui donne raison : il y a bel et bien un SDRC, qui est une complication causée par l’accident et que Groupe Mutuel doit prendre en charge. Cet assureur recourt au Tribunal fédéral (TF). Entre autres arguments, il fait valoir le long délai de latence entre l’accident et le diagnostic de SDRC posé tardivement.

Cette affaire donne au TF l’occasion de traiter à fond cette question de SRDC, en s’appuyant sur diverses publications médicales. À cet égard, la science a fait des progrès depuis 1998, date d’une première brochure de la Suva. Une nouvelle brochure a été éditée en 2013. Le délai de latence n’est plus déterminant. Ce qui compte, ce sont désormais les « critères de Budapest «, que le TF détaille dans cet arrêt.

Ces critères sont :

– Une douleur qui persiste et qui apparaît disproportionnée avec l’événement initial

– Au moins un symptôme clinique parmi trois ou quatre critères sensoriels, vasomoteurs, sudomoteurs (sudation), trophiques (raideur ou dysfonction motrice comme faiblesse, tremblements, dystonie etc.)

– Absence d’autres diagnostics susceptibles d’expliquer de manière plus convaincante les symptômes et les signes cliniques.

Le SDRC est quatre fois plus fréquent chez la femme, le plus souvent au membre supérieur, avec une prédominance entre 50 et 70 ans. L’introduction des critères de Budapest a réduit de 50 % les diagnostics de SDRC.

En l’espèce, les experts judiciaires ont expliqué que, certes, le diagnostic de SDRC a été posé tardivement, mais que les symptômes étaient apparus dès l’accident, bien avant le diagnostic. La scintigraphie osseuse initiale ne permet pas de déceler tous les cas; toutefois, ici, une autre scintigraphie osseuse avait été réalisée 18 mois après l’accident et elle avait bel et bien décelé une anomalie locale en relation avec ces syndromes. Enfin, aucune autre cause ne pouvait expliquer la persistance de tels syndromes.

Pour toutes ces raisons, le TF estime que c’est à juste titre que les juges cantonaux ont statué en faveur de l’assurée et obligé le Groupe Mutuel à continuer la prise en charge du cas au titre des séquelles d’un « accident obligatoirement assuré «. Le recours de celui-ci est donc rejeté et l’avocate de l’assurée se voit allouer les dépens habituels de Fr. 2800.-

ATF 8C_416/2019 du 15.7.2020

 

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