Les enregistrements sonores lors des expertises AI : un arrêt vaudois de principe

Mme X. sollicite une rente AI. Pour cela, un expert psychiatre est désigné par l’Office AI. Selon les nouvelles normes en vigueur depuis le 1er janvier 2022, les discussions entre l’assuré et l’expert, c’est-à-dire le déroulement proprement dit de l’expertise psychiatrique, doivent faire l’objet d’un enregistrement sonore à moins que l’assuré y renonce. Or, dans le cas présent, l’enregistrement sonore était inexploitable pour des raisons techniques. Mme X. demande donc le retrait du rapport d’expertise, ce à quoi l’Office AI se refuse. La cause arrive au Tribunal cantonal vaudois (TC).


Ce Tribunal rappelle tout d’abord les diverses règles sur l’enregistrement sonore selon l’art. 44 al. 6 de la Loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA). Tous les détails sur cet enregistrement sonores sont réglés par l’art. 7k de l’Ordonnance d’application de cette loi (OPGA). Le TC rappelle que « l’enregistrement a pour but de vérifier, en cas de litige, ce qui a été effectivement dit lors de l’entretien ». Il ajoute « la personne assurée peut toutefois demander expressément de l’écouter. Par exemple lorsque, en lisant l’expertise, qui en soi sert de base à la décision de l’office AI, elle estime que le rapport d’expertise ne reproduit pas correctement les déclarations faites pendant l’entretien ». Le TC précise aussi « une solution informatique dédiée à l’assurance-invalidité a été créée. Une application pour smartphones permet aux experts d’enregistrer un entretien, de le réécouter et de le transmettre à l’office AI. L’enregistrement sonore n’est pas conservé sur le smartphone, mais téléchargé et stocké sur une plateforme sécurisée. Les experts peuvent également réaliser l’enregistrement avec un dictaphone et le télécharger ensuite sur la plateforme ». En l’espèce, les deux parties admettent que l’enregistrement, pour des raisons techniques, n’est pas exploitable. Le TC en déduit qu’il « n’est pas en mesure de déterminer si les déclarations de la recourante ont été saisies correctement et reprises avec exactitude dans le rapport de l’expert. Un tel enregistrement sonore s’avère pourtant indispensable pour savoir si l’expert psychiatre a correctement tenu compte des plaintes de la recourante, sans les minimiser ». La Cour aboutit ainsi à renvoyer le dossier à l’Office AI pour une nouvelle expertise psychiatrique et elle ordonne le retrait de l’expertise contestée. Les frais judiciaires et les dépens, par fr. 5’500.-, sont fixés à charge de l’Office AI.

Arrêt du 8.08.2023 de la Cour des assurances sociales du TC vaudois, AI 224/22 – 211/2, non encore définitif lors de l’introduction du présent article sur le site

Notre commentaire :  

Sauf erreur, il s’agit d’un premier arrêt relatif à la portée et l’utilité de l’enregistrement sonore prévu par les nouvelles dispositions en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Cet arrêt est à saluer. Comme avocat, le soussigné a pu constater que dans de nombreux cas les assurés se plaignent de fortes divergences entre ce qu’ils ont dit à l’expert, surtout l’expert psychiatre, et ce qui se retrouve dans le rapport d’expertise. C’est d’ailleurs pour cela que ce système d’enregistrement sonore a été adopté. Nous espérons que cet arrêt – quand bien même il ne s’agit « que  » d’un arrêt cantonal – fera jurisprudence.

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