Règles de circulation applicables à un chantier de goudronnage

Un chauffeur de camion recule sans observer spécialement si un ouvrier se trouvait derrière le camion, sur un chantier de réfection d’une route. Les tribunaux vaudois de première et deuxième instances considèrent que la Loi sur la circulation routière et ses dispositions d’application ne sont pas applicables sur un chantier, s’agissant des obligations incombant au chauffeur de camion. Celui-ci n’aurait donc commis aucune faute, notamment en ne sollicitant pas le concours d’une tierce personne comme cela est prévu à l’art. 17 al. 1 de l’Ordonnance sur la circulation routière. L’affaire aboutit finalement au Tribunal fédéral.

Cette autorité reproche tout d’abord à la Cour cantonale de n’avoir pas appliqué les règles de circulation routière au moins par analogie. La visibilité vers l’arrière du camion était limitée. Toutefois, juge le TF, la marche arrière s’inscrivait dans le cadre d’une procédure organisée au préalable et coordonnée, impliquant plusieurs autres camions ainsi que la fraiseuse pour dégrapper la route et cette procédure était supervisée par la victime. Les travaux se déroulaient dans une zone où la présence de tiers extérieurs au chantier était en principe exclue. Le TF ajoute que la victime n’avait aucun motif de se tenir à l’endroit où elle se trouvait, d’autant moins qu’elle était responsable du chantier et de sa sécurité. Le chauffeur n’avait donc pas à prévoir la présence ou l’apparition inopinée de tiers dans la zone concernée et pouvait « raisonnablement exclure tout danger qui aurait dû le contraindre à être secondé pour effectuer sa marche arrière ». Le chauffeur n’a pas violé son devoir de diligence. Toutes les circonstances de l’accident n’avaient pas été éclaircies, de sorte que la Cour cantonale « était fondée à retenir, en application du principe in dubio pro reo, que l’inattention ou le malaise de la victime représentait la cause prépondérante de l’accident ». Par conséquent, la victime est seule responsable et sa famille ne peut rien réclamer.

ATF 6B_308/2022 du 02.04.2024

Notre commentaire :

Cet arrêt concernant le canton de Vaud a été rendu par le Tribunal fédéral statuant à 5 juges, ce qui montre que des discussions étaient nécessaires et que la solution n’était pas d’emblée évidente. Pour autant, le TF a jugé que cet arrêt n’avait pas à être publié officiellement. Les chantiers sont des sources de grands dangers et, au pénal, le chauffeur qui reculait a été « blanchi » en application de l’adage que le doute profite à l’accusé. On sait cependant que l’acquittement au pénal ne lie pas le juge civil (art. 53 CO) et il n’est ainsi pas exclu d’emblée que l’organisation de ce chantier de dégrappage n’ait pas été parfaite, en ce sens qu’elle n’aurait pas interdit de manière suffisamment instante la présence d’une personne derrière le camion qui reculait. Néanmoins, il apparaît douteux que la responsabilité de l’employeur de la victime puisse être mise en cause par la famille sur la base de l’art. 328 al. 2 du CO (nécessité de protéger la vie et la santé du travailleur). Quant à un recours de l’assureur-accidents, il ne devrait pas être possible puisqu’il faut à tout le moins une négligence grave de l’employeur.

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