Comment calculer le loyer admissible des immeubles récents ?

X et Y emménagent en 2014 dans un 3.5 pièces d’un immeuble neuf (construit en 2013). Le loyer est de fr. 1’600.-. Rien n’a été convenu s’agissant des frais accessoires. Le bail est résilié pour fin mars 2020.

En avril 2020, X et Y réclament un trop-payé de fr. 33’600.- pour toute la durée, en faisant valoir que la formule officielle de nouveau bail, qui était obligatoire dans le canton de Fribourg, n’avait pas été utilisée.

Le Tribunal des baux calcule le loyer admissible selon la méthode absolue du rendement brut, en application de l’art. 269a lettre c du CO qui dispose que « ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui se situent, lorsqu’il s’agit de constructions récentes, dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais ». Les locataires obtiennent donc ce qu’ils réclament. Sur appel, le Tribunal cantonal confirme. Mais la bailleresse fait recours au Tribunal fédéral (TF).

Le TF admet la méthode dite « du rendement brut permettant de couvrir les frais ». Quel est ce rendement brut ? Il se compose des montants suivants :

  • Les charges courantes et frais d’entretien du propriétaire, souvent « forfaitisés » à 1.5% (arrêt 4C.464/1996 du 17.02.1997 cons. 3 e).
  • Une rémunération admise jusqu’ici à un 0.5% de plus pour les fonds investis.
  • La rémunération correspondant au taux hypothécaire de référence.

Jusqu’ici, l’addition de ces 3 postes donnait dans la présente affaire 1.5% pour le taux hypothécaire de référence, 0.5% pour la rémunération des fonds propres et 1.5% pour les charges forfaitaires, soit au total 3.5%.

Le TF ajoute, en se basant sur son ancienne jurisprudence et sur la doctrine : « Ce mode de calcul a été conçu pour favoriser la construction de nouveaux logements, respectivement la rénovation complète d’immeubles locatifs ».

Toutefois, le TF modifie sa jurisprudence comme il l’a fait pour le rendement net. Le supplément n’est plus de 0.5%, mais, en raison de la baisse du taux d’intérêt hypothécaire, il doit être augmenté tant pour le rendement net que pour le rendement brut. On lit dans cet arrêt « Le Tribunal fédéral a dès lors porté ce supplément de 0.5 à 2%, tant que le taux hypothécaire de référence est inférieur ou égal à 2% ».

Le TF se penche ensuite sur l’ensemble de la doctrine, dont il ressort que le rendement brut doit effectivement être passablement augmenté et cela de la manière suivante :

  • Pour la période du 1er juillet 2014 au 1er juin 2015 : 2% + 3.5% = 5.5%
  • Pour la période du 2 juin 2015 au 1er juin 2017 : 1.75% + 3.5% = 5.25%
  • Du 2 juin 2017 au 29 février 2020 : 1.5% + 3.5% = 5%

En l’espèce, le TF rejette cependant l’argument supplémentaire de la bailleresse, qui indiquait avoir investi davantage dans l’immeuble que le montant officiellement calculé, cela tout en refusant de produire des pièces justificatives de ses prétendus investissements supplémentaires.

Au terme des calculs détaillés auxquels se livre le TF sur les bases qui précèdent, les locataires se voient attribuer fr. 25’655.70 de remboursement avec intérêt à 5% l’an dès la date de l’arrêt du Tribunal fédéral. Les frais sont répartis par moitié et les dépens sont compensés.

ATF 4A_339/2022 du 31.10.2024, destiné à publication

Notre commentaire :

Ainsi, le TF aligne les taux permettant de fixer les loyers des immeubles récents aux taux précédemment augmentés pour le « capital exposé aux risques » selon l’art. 269a litt. e CO, qui avait été augmenté dans une récente jurisprudence 147 III 14 du 26 octobre 2020.

Depuis le 3 septembre 2024, le taux de référence est de 1.75%. Il vient d’ailleurs d’être confirmé (décembre 2024) par le Conseil fédéral. Le bailleur d’un immeuble récent peut donc calculer un rendement brut de 5.25% sur la valeur de l’immeuble. La « valeur de l’immeuble » n’est évidemment pas celle sur le marché, mais il s’agit du montant total des frais investis (terrain et construction avec tous les frais annexes). Exemple : si un appartement en PPE pour un immeuble récent a été acheté par un investisseur à fr. 1’000’000.- (frais annexes compris), cet appartement peut théoriquement être loué à fr. 52’500.- par année, soit fr. 4’375.- par mois). C’est considérable et on voit que cette jurisprudence va avoir pour effet de « tirer vers le haut » les loyers des immeubles récents.

Par ailleurs, on comprend mal comment le TF peut dire que la somme qu’il retient en faveur des locataires soit fr. 25’665.70 se situe « à mi-chemin » de ce qu’ils avaient obtenu en instance cantonale, soit fr. 33’600.-. Au lieu de la compensation des frais et dépens, il aurait dû selon nous y avoir une répartition proportionnelle de ceux-ci, les locataires ayant finalement obtenu les 3/4 de ce qu’ils demandaient. Pour ce qui est des frais et dépens de la procédure cantonale, l’affaire est renvoyée au Tribunal cantonal fribourgeois.

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