Donné, c’est donné ; repris, c’est volé !

Une dame âgée, sans famille proche, a sa résidence en EMS. Elle est propriétaire d’une villa. Elle  s’est rapprochée, au fil des années, d’un couple, qu’elle a chargé de faire des travaux de peinture, ménage, jardinage etc.,  notamment dans cette villa.

Pensant que ce couple était de véritables amis et que ces deux personnes s’occuperaient d’elle jusqu’à son décès,  elle a envisagé, depuis 2005, de leur faire  donation de sa villa . Cette donation a finalement été signée en 2007.

Dès ce jour, dit-elle, le couple a cessé de s’occuper d’elle. Très décue, elle veut faire annuler la donation, pour erreur essentielle.

Le procès est encore en cours  lorsqu’elle décède en 2010. Une héritière instituée par testament continue le procès contre le couple,  pour récupérer cette villa. En 1ère instance, elle obtient gain de cause. La 2ème instance juge en sens inverse : l’action de l’héritière  est rejetée.  Elle recourt au TF.

Le TF rappelle qu’il n’est pas exclu d’invoquer une erreur essentielle sur des faits futurs. Mais il faut que ces faits puissent objectivement être tenus pour certains, et donc qu’ils ne soient pas aléatoires (même si subjectivement la personne qui invoque cette erreur tenait ces faits pour nécessaires).

Ici, dit le TF, la donatrice espérait simplement que le couple allait continuer à l’entourer et à s’occuper d’elle. Elle n’en avait aucune garantie. Sa seule déception ne l’autorise pas à revenir sur la donation. Le recours est rejeté et la donation reste valable.

ATF  4A_666/2011 du 13 mars 2012

Notre Commentaire :

Il n’est pas toujours facile de comprendre le mécanisme de l’erreur sur les faits futurs. Il est clair que si j’achète un billet de loterie, j’espère qu’il sera gagnant. S’il ne l’est pas, je ne peux pas exiger le remboursement, en invoquant une erreur essentielle sur un fait futur. C’est une affaire par définition  aléatoire.

Si en revanche je signe un contrat de travail comme chauffeur poids lourds, et qu’ensuite je subis tout à coup une attaque cérébrale,  qui exclut désormais cette profession, je pourrai annuler ce contrat pour erreur essentielle sur un fait futur (la santé), car rien ne permettait de dire qu’objectivement et subjectivement un espoir que la santé reste ce qu’elle était lors de la signature du contrat aurait été infondé. Cet espoir était un fait admis  implicitement, à la base de mon engagement. Il en irait différemment si, déjà malade, j’avais signé avec simplement l’espoir d’un rétablissement de la santé.

Ici, la solution est donc correcte. Pour éviter ce problème, la donatrice aurait dû – peut-être le notaire ne le lui a-t-il pas suggéré – se faire garantir les bons soins par une charge (obligation) mentionnée dans l’acte (art. 245 CO), clause qui poserait toutefois, à son tour, le problème de savoir si le couple donataire s’est suffisamment bien occupé de la donatrice… Il faudrait donc bien définir cette charge, dans ces modalités et peut-être sa durée minimale…

Bref, tout donateur court un risque, celui de ne pouvoir faire marche arrière. Même d’ailleurs pour une promesse de donner, les cas de révocation admis sont restrictifs (art. 249 et 250 CO).

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