Conditions générales d’assurance : victoire à la Pyrrhus ?

On sait que les assureurs rédigent leurs Conditions générales de manière à ce qu’elles leur soient favorables. Mais il arrive qu’ils ne pensent pas à tout, et qu’un juge, appelé à les interpréter, aille dans le sens de l’assuré. N’y a-t-il pas alors un risque que la Compagnie d’assurance utilise cet arrêt – négatif pour elle – pour justement modifier cette clause en défaveur de tous les assurés futurs ? C’est précisément le vice du système…

Un dentiste s’assure contre la perte de gain due à la maladie. Les CGA définissent la maladie et excluent le risque « accident » en ces termes :

« Krankheit ist jede medizinisch feststellbare Beeinträchtigung der körperlichen oder geistigen Gesundheit, die nicht zurückzuführen ist auf

einen Unfall im Sinne der Unfallversicherung gemäss UVG,

eine dem Unfall gleichgestellte Verletzung im Sinne der Unfallversicherung gemäss UVG,

eine von der Unfallversicherung gemäss UVG gedeckte Berufskrankheit

und die eine Arbeitsunfähigkeit zur Folge hat. » (Ziff. 2.2).
Autrement dit, sont exclus de la couverture les accidents au sens de la LAA. Or, ce dentiste est opéré au genou pour cause de maladie, mais celle-ci était due partiellement à un ancien accident de 1971. Bien entendu, l’assureur refusait dès lors d’intervenir, même partiellement.
Le Tribunal cantonal donne raison à l’assuré : en application de la règle de l’art. 33 LCA exigeant que les risques exclus soient clairement définis, l’assureur n’a le droit de refuser ses prestations que si l’incapacité est due exclusivement à un accident. N’acceptant pas cette interprétation, l’assureur recourt au Tribunal fédéral.
Celui-ci confirme l’arrêt cantonal. La date – ici très ancienne – de l’accident n’est pas l’argument déterminant. Ce qui est décisif, c’est la manière dont les CGA sont rédigées. Elles ne disent pas que l’indemnité journalière n’est due que si l’incapacité est causée exclusivement par la maladie. Or, les clauses imprimées sont interprétées contre leur auteur : si celui-ci avait voulu autre chose, il ne tenait qu’à lui de le  dire clairement. Et l’assureur n’a pas demandé au moins un partage des prestations.
ATF 4A_84/2012 du 29.6.2012
Note PN : Comme il fallait s’y attendre, la revue HAVE/REAS, proche des assureurs,4/ s2012, p. 431, laisse entendre qu’on pourrait désormais envisager une modification des CGA dans le sens d’exclure de la couverture les « causalités mixtes » (accident/maladie) . D’où le risque de « victoire à la Pyrrhus » des assurés…

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