Invalidité ménagère : quand faut-il en tenir compte ?

Mme A., née en 1961, vit dans un ménage avec son ami. L’appartement comporte 3 pièces et un balcon. Elle est atteinte dans sa santé au point qu’une activité professionnelle n’est plus exigible. En 2005, l’AI lui alloue une demi-rente en appliquant la « méthode mixte » : il est admis dans ce cas que sans atteinte à la santé Mme X. travaillerait professionnellement à 30% et au ménage pour le reste, soit 70%. Dans la « méthode mixte », on détermine le handicap séparément pour chacun de ces deux domaines, handicap qui est ensuite pondéré selon les pourcentages en question (30/70). Ici, le handicap est de 100% dans le secteur professionnel, ce qui donne 30% (100% x 30%), et il est de 22 % pour le ménage (70% x 31,4 %). Le total donne 52 %, soit une demi-rente AI.

Il y eut ensuite une révision, qui aboutit, devant le Tribunal cantonal (TC) argovien, à écarter la méthode mixte: Mme A. n’a plus droit à une rente, parce que le handicap ménager n’a pas être pris en compte.

Recours au TF, qui organise une délibération publique (signifiant en général que les juges ne sont pas d’accord entre eux).

Le litige porte sur l’application ou non de la méthode mixte. Le TC argovien l’écarte en disant en substance qu l’assurée a un tout petit ménage, ne justifiant pas qu’un handicap ménager soit pris en compte. L’assurée, de son côté, invoque les statistiques suisses montrant que les femmes en couple font tout de même passablement d’heures de ménage par semaine, surtout si elles ont une activité professionnelle à temps partiel.

Le TF rappelle que pour les assurés qui ne travaillent professionnellement qu’à temps partiel, le reste du temps doit en principe être considéré comme du travail ménager, sans qu’il faille analyser exactement ce qui est fait dans le ménage. Il y a complémentarité entre travail professionnel et travail ménager (137 V 334). Donc si p.ex. un assuré travaille à 80 %, on admettra sans autre que la différence, soit 20%, est du travail ménager, dans lequel un éventuel handicap doit être pris en compte (avec bien sûr un facteur de pondération de 20%). La doctrine disant le contraire n’est pas convaincante. Ici, on doit donc admettre en principe admettre un pensum ménager de 70%. Il peut ainsi y avoir une invalidité ménagère à côté (en plus) de l’invalidité professionnelle.

La cause est renvoyée à l’instance précédente.

ATF 9C_693/2013  du 24.10.2014, (publié seulement le 9 février 2015 !), destiné à publication dans le Recueil officiel des arrêts du TF.

Notre commentaire :

Cet arrêt doit être entièrement approuvé. La solution contraire, ne tenant compte que du handicap professionnel, n’est pas adaptée aux personnes ne travaillant qu’à temps partiel. Il est juste d’admettre, sans devoir « fouiner » dans l’organisation du ménage et de la famille, que pour ces personnes le solde de leur temps est effectivement consacré à ces activités domestiques. Ce n’est que s’il n’y a pas de handicap dans ce domaine ménager ou familial que l’on écartera une telle invalidité. Cela correspond – dit le TF à juste titre – à la vocation de l’AI comme assurance universelle.

On ajoutera qu’une modification ultérieure de la répartition proportionnelle entre profession et ménage ne constitue pas un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 9C_354/2014 du 16.01.2015, destiné à publication), et cela ni en AI, ni en prévoyance professionnelle (comme dans ce cas du 16.01.2015).

Adjonction juin 2016 : voir aussi l’article sur arrêt du TC SG, sur ce site, en date du 29 juin 2016, déclarant illégale la méthode mixte .

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