Contrat de travail : un règlement de l’employeur peut rester lettre morte !

Un frontalier est engagé par une entreprise genevoise. Celle-ci dispose d’un règlement d’entreprise qui indique : « chaque collaborateur participe à raison de 50 % à l’assurance perte de gain. Il a droit au versement de 80 % de son salaire pendant 720 jours ».

Ce frontalier tombe malade et est licencié. Il réclame une couverture pour davantage que les 90 jours accordés par les conditions générales d’assurance, pour les frontaliers, après la fin des rapports de travail. Autrement dit, il se prévaut du règlement de l’employeur. Il fait valoir en particulier qu’il a payé les primes de l’assurance, à raison de 50 %, comme cela était prévu.

Les deux instances genevoises lui donnent tort et font prévaloir les conditions générales d’assurance sur le règlement de l’employeur. Il recourt au Tribunal fédéral.

Celui-ci considère qu’aucun renvoi au règlement en question ne figure dans les documents signés par les parties. Or il faudrait la forme écrite pour incorporer ce règlement et en particulier la fameuse clause des 720 jours. L’employeur ne commet aucun abus de droit à se prévaloir de l’absence de forme écrite. Par conséquent, le travailleur ne peut pas prétendre à des dommages intérêts contractuels contre cet employeur qui ne fournit pas les prestations réglementaires. De plus, l’employé a admis n’avoir pas eu connaissance de ce règlement au début des rapports de travail, mais seulement lorsqu’il est tombé malade. À cet égard, le travailleur reprochait aussi à l’employeur de ne pas lui avoir communiqué ledit règlement au départ. Par conséquent et pour d’autres motifs que ceux retenus par les juges genevois, le Tribunal fédéral rejette le recours du travailleur.

ATF du 10 octobre 2014, 4A_98/2014N

Notre commentaire

Cet arrêt nous paraît pour le moins discutable, pour ne pas dire erroné.

Il faut relever tout d’abord que lorsqu’un règlement contient des dispositions favorables travailleur, notamment lorsqu’il prévoit une couverture de 720 jours et une participation aux primes, ce règlement est incorporé au contrat déjà par le fait que le travailleur acquitte effectivement les primes en question. Certes, la couverture des 720 jours était limitée à 90 jours après la fin des rapports de travail pour les frontaliers, mais le travailleur ne fait pas valoir des prétentions directement contre l’assureur, qui, lui, pouvait se prévaloir de cette clause. Le travailleur faisait valoir des prétentions contre l’employeur qui, en engageant un frontalier, avait promis par son règlement une couverture de 720 jours. Le Tribunal fédéral se montre formaliste quant à l’incorporation d’un règlement dans un contrat de travail, mais il ne tire aucune conclusion du fait que l’incorporation devrait résulter — selon nous — du paiement des primes.

Quant à fonder l’arrêt sur le fait que le travailleur n’a pas eu connaissance du règlement au départ, ce n’est à notre avis pas un argument : le but d’un règlement est précisément d’être valable même sans renvoi spécifique, tout au moins lorsqu’il contient des normes favorables aux travailleurs. Ce n’est que pour les dispositions défavorables que l’on pourrait, à notre sens, contester l’incorporation. Ainsi, un règlement d’entreprise qui prévoirait trois jours de congé en cas de mariage ne pourrait pas être contesté par l’employeur — qui l’a  lui-même rédigé ! — au motif que le contrat de travail n’y renvoie pas expressément…

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