Assurance privée : l’assuré qui déménage à l’étranger peut perdre des droits…

Un assuré est au bénéfice de prestations périodiques d’une assurance privée, en l’occurrence une rente d’invalidité. Il déménage an Hongrie. Au bout de deux ans, l’assureur lui indique que ces prestations sont supprimées, cela en vertu d’une clause des conditions générales, acceptées par l’assuré dans la proposition d’assurance. L’assuré s’y oppose et fait valoir devant le tribunal cantonal que les conditions générales en question ne lui ont pas été remises. De plus, cette règle de suppression des prestations après deux ans de séjour à l’étranger serait choquante et inhabituelle.

Le tribunal cantonal donne tort à l’assuré, qui saisit le Tribunal fédéral (TF).

Celui-ci examine tout d’abord si les conditions générales en question font partie ou non du contrat. Il s’agissait en fait de conditions complémentaires auxquels les polices ne renvoyaient pas. Il n’a pas été établi que ces conditions générales complémentaires aient été communiquées à l’assuré, mais celui-ci avait — selon le tribunal cantonal — la possibilité d’en prendre connaissance. Le TF indique que le recourant ne motive pas suffisamment son recours sur cette question de l’incorporation des conditions complémentaires. De plus, il suffit selon la jurisprudence (139 III 345) que l’assuré puisse se procurer sans difficulté les conditions générales en question. Le TF ajoute : « le recourant n’indique pas que lors de la conclusion du contrat son attention n’aurait pas été attirée sur les conditions complémentaires. Il n’explique pas non plus qu’il n’aurait pas eu une possibilité raisonnable d’en prendre connaissance. Au contraire, il a attesté par sa signature sur la proposition d’assurance qu’il avait bien reçu lesdites conditions complémentaires ».

Examinant la question de savoir si la clause de suppression des prestations deux ans après un déménagement à l’étranger est ou non inhabituelle, le TF dit qu’il est courant de limiter territorialement la couverture d’assurance dans les polices d’assurance ; autrement dit, la protection spéciale découlant de l’article 8 de la Loi sur la concurrence déloyale ne s’applique pas.

L’assuré perd donc son procès.

4A_47/2015 du 2 juin 2015

Notre commentaire :

Ssi l’arrêt doit être compris dans le sens qu’il incomberait à l’assuré de prouver qu’aucune possibilité raisonnable de prendre connaissance des CGA ne lui a été accordée, cet arrêt ne saurait être approuvé : on ne peut pas exiger d’une partie une preuve négative. Au contraire, il incombe selon nous à l’assureur de prouver qu’il a fourni les conditions générales ou à tout le moins qu’il a attiré l’attention de l’assuré — qui est la partie la plus faible au contrat–sur la possibilité d’en prendre connaissance. Et nous rappelons une fois de plus que ces conditions générales sont bien souvent assimilables à un véritable code de lois, autrement dit qu’elles sont très difficilement compréhensibles pour de simples particuliers. Nous préconisons depuis longtemps une standardisation de ces conditions générales, permettant par exemple de « faire jouer la concurrence » au moment de la signature du contrat.

S’agissant de la possibilité accordée aux assureurs de limiter la couverture territoriale de la police, nous pensons que le TF confond la question de la couverture d’assurance définie dans la police et celles des prestations. La validité territoriale de la police n’était pas en jeu dans cette affaire. Le déménagement à l’étranger ne concernait pas véritablement le sinistre lui-même, mais dépendait de la volonté de l’assuré de rester en Suisse ou de partir à l’étranger. Ce n’est donc pas une question de couverture d’assurance, mais plutôt une question de prestations. On ne voit pas pourquoi le choix du domicile devrait jouer un rôle dans les prestations à fournir, s’il est établi par ailleurs que l’assuré remplit les conditions médicales requises pour toucher des prestations : si je subis une attaque cérébrale me laissant totalement paralysé et dépendant, en quoi le fait de séjourner ici plutôt que là influence économiquement les obligations de l’assureur ?

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