Un courriel ne sauvegarde en principe pas les délais de procédure

Un assuré fait opposition à une décision de l’assureur-accidents. Au lieu de signer une lettre d’opposition — qui n’a pas à être très formelle — il respecte le délai de 30 jours, mais envoie son opposition par courriel, donc par définition non signée. Quelques jours plus tard, mais après l’expiration du délai, il envoie une lettre, cette fois-ci dûment signée, ayant la même teneur que le courriel. L’assureur refuse d’entrer en matière sur cette opposition. Cela a en principe pour effet que la décision contestée entre en vigueur. L’assuré n’est pas d’accord et recourt, sans succès, au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral.

Sans doute en raison de points de vue divergents des juges, le TF organise des débats publics le 24 février 2016.

Il n’est pas contesté que l’assuré, par son envoi en courriel d’une opposition non signée, n’a pas respecté le délai : un document ayant la forme écrite doit porter la signature de son auteur. Toutefois, dans les rapports entre les citoyens et l’administration, le principe de la bonne foi veut que lorsque l’autorité reçoit un document ayant un vice de forme, elle attire immédiatement l’attention de son auteur sur ce vice, si celui-ci peut encore être réparé dans le délai. Ainsi, lorsque que l’expéditeur oublie de signer un recours, l’autorité qui constate cela doit l’en informer si le délai n’est pas encore expiré. Ici, l’autorité avait bien reçu le courriel trois jours avant l’expiration du délai et elle aurait pu informer immédiatement l’assuré du fait qu’il manquait la signature.

Toutefois, le TF a jugé qu’en l’espèce l’autorité, c’est-à-dire l’assureur-accidents, n’avait pas cette obligation, car l’assuré avait inscrit dans son courriel : « l’original est en route par voie postale ». Se fondant sur cette affirmation, l’assureur accident était en droit d’admettre que l’original avait été encore expédié dans le délai, vu l’expression « en route » (« unterwegs »).

La solution n’étant pas évidente, l’assistance judiciaire est accordée à l’assuré et son avocat reçoit ainsi Fr. 2800.- de la caisse du Tribunal fédéral.

ATF 8C_259/2015 du 24 février 2016, destiné à publication

Notre commentaire :

Cet arrêt peut paraître sévère, et ne pas tenir compte des développements informatiques récents, soit l’usage de plus en plus fréquent de la messagerie électronique. Toutefois, il reprend les principes qui avaient été développés précédemment au sujet du fax. En fait, les courriels sont totalement assimilables à des fax, qui ne comportent pas non plus une signature en original. Ici, l’assuré aurait pu être « sauvé » par les règles de la bonne foi, mais il aurait fallu pour cela qu’il ait posté la lettre en même temps qu’il envoyait le courriel, comme il l’annonçait, et non pas après l’expiration du délai. Cet arrêt souligne en tout cas l’importance de la signature et, en général, du respect des délais.

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