Peine conventionnelle pour concurrence de l’ancien employé non applicable
L’employeur est une firme spécialisée dans la recherche de cadres pour le secteur immobilier et constructions. L’employé a travaillé du 1er juillet 2009 au 12 mars 2012 comme Consultant senior. Il était lié par une clause de prohibition de concurrence après la fin des rapports de travail, prévoyant une peine conventionnelle de 50 % de son salaire annuel. Effectivement, l’employé a fondé une firme concurrente. L’ancien employeur prétend que cela lui a nui, en ce sens que ses clients se sont détournés de lui. Il réclame Fr. 175’000.- à son ancien employé, à titre de peine conventionnelle. Il est débouté en première et en deuxième instance : l’ancien employé n’aurait pas utilisé de secrets commerciaux qui lui seraient parvenus dans le cadre de son ancien emploi. L’ancien employeur recourt au Tribunal fédéral (TF).
Le TF rappelle tout d’abord les conditions posées par l’article 340 alinéa 2 CO : « La prohibition de faire concurrence n’est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d’avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d’affaires de l’employeur et si l’utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l’employeur un préjudice sensible ». Les juridictions cantonales ont estimé que si l’entreprise récemment fondée par l’ex-employé a eu du succès, c’est plutôt grâce à ses qualités personnelles qu’à la connaissance de secrets d’affaires acquise dans l’ancien emploi. Il manquerait donc le lien de causalité entre ces secrets et la concurrence. L’ancien employeur plaidait que son ancien employé avait agi « avec un talent et un culot tout particuliers ». Cet aveu constitue précisément la démonstration que ce sont bien les qualités personnelles qui ont été déterminantes et non la connaissance de secrets d’affaires qui ont détourné la clientèle vers cette nouvelle firme. Par conséquent, la peine conventionnelle n’est pas applicable et l’ancien employeur est définitivement débouté.
ATF 4A_286/2017 du 1er novembre 2017
Notre commentaire :
Une fois de plus, le TF confirme sa jurisprudence, selon laquelle il faut vraiment des circonstances particulières pour que les clauses de prohibition de concurrence après la fin des rapports de travail soient applicables. Un employé ne peut pas, en quittant son ancien emploi, oublier ses compétences et — en quelque sorte — « laisser son cerveau » au vestiaire du nouvel emploi. Il est donc très difficile, pour l’ancien employeur qui veut se prévaloir d’une telle clause, de prouver le lien de causalité entre la perte de son chiffre d’affaires et l’utilisation, par l’ancien employé, de secrets commerciaux. Cette jurisprudence libérale (favorisant la mutation professionnelle) doit être approuvée.
Nous ajouterons que plus la clientèle est connue en général (c’est le cas des grandes entreprises de l’immobilier et de la construction), plus il est difficile de prétendre qu’elle constitue des secrets d’affaires. De même, une entreprise chargée par exemple de recruter des cadres bancaires peut difficilement prétendre que la liste des banques constituant sa clientèle serait un secret d’affaires : toutes les banques d’une région sont connues.