Usager CFF poussé sous le train par un irresponsable …

Alors qu’il attendait le train, un passager a été poussé hors du quai et il est tombé sur la voie au moment où le train arrivait. Traîné par le train, il a été grièvement blessé. Celui qui l’a poussé était totalement incapable de discernement. Il s’agissait d’un drogué, gravement atteint dans son psychisme. Au pénal, cet auteur a d’ailleurs été acquitté comme totalement irresponsable.

Considérant que les CFF assument une responsabilité objective, c’est-à-dire même sans faute de leur part, le lésé réclame aux CFF un montant de tort moral de Fr. 35’000.-

Il obtient gain de cause en instance cantonale, mais les CFF recourent au Tribunal fédéral (TF), cela pour faire valoir que la responsabilité civile incombe exclusivement à la personne qui a poussé le passager sous le train.

Chacun admet dans cette affaire que les CFF n’ont commis aucune faute. La question à trancher est celle de savoir si c’est bien le risque caractéristique du trafic ferroviaire qui s’est ici réalisé, soit la masse d’un train en mouvement, l’impossibilité de freiner rapidement etc. La loi sur la responsabilité des chemins de fer (art. 40c) permet certes de libérer l’entreprise en cas de force majeure ou de faute grave du lésé ou d’une tierce personne. Il y a lieu cependant d’interpréter cette norme au regard des travaux législatifs. Au départ, seuls les actes de personnes responsables étaient  envisagés comme de nature à exclure cette responsabilité des CFF. Mais les auteurs les plus récents voudraient aller plus loin dans le sens des CFF, c’est-à-dire en excluant également la responsabilité de cette entreprise pour les actes de personnes irresponsables.

Le TF n’est pas de cet avis. Il voit la cause principale de la gravité de cet accident non pas dans l’acte de la personne irresponsable, car en principe le fait de pousser une personne n’entraîne jamais des conséquences aussi dramatiques ; ces conséquences sont dues principalement à l’arrivée du train à ce moment-là. C’est le risque caractéristique du trafic ferroviaire qui s’est réalisé. L’incapacité de discernement d’un tiers ne peut être assimilée, quant aux conséquences, à l’incapacité de discernement d’une personne qui veut se suicider elle-même.

Dans la pesée des 2 causes partielles qui ont conduit à ce drame (incapacité de discernement et arrivée du train), la seconde a davantage de poids. Autrement dit, la cause prépondérante doit être vue dans le trafic ferroviaire davantage encore que dans l’incapacité de discernement de l’auteur. Le recours des CFF doit donc être rejeté.

ATF 4A_602/2018 du 28.5.2019

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