Salarié tombant malade durant le délai de congé : doit-on présumer qu’il se serait de toute façon retrouvé au chômage ?

M. X est salarié et il gagne plus de Fr. 200 000.- par année. En février 2018, il reçoit son congé avec un préavis de six mois. Il tombe malade avant l’expiration de ce préavis. Comme il est encore assuré en perte de gain, et que cette assurance doit fournir des prestations durant deux ans, c’est-à-dire même après la fin des rapports de travail, il réclame les indemnités journalières prévues. L’assurance fait valoir que Monsieur X se serait de toute façon retrouvé au chômage, et que l’assurance-chômage lui aurait servi au maximum le 70 % de Fr. 148 200.-, c’est-à-dire Fr. 103 740.-. L’assureur ne veut rien payer de plus.  

Ce point de vue est contesté par l’assuré, qui fait valoir que son indemnité journalière doit être calculée sur la base du salaire qu’il réalisait et que l’on ne peut en aucun cas présumer qu’il n’aurait pas retrouvé un emploi aussi bien rémunéré. Monsieur X ouvre action contre l’assureur. Il est débouté en instance cantonale, mais fait recours au Tribunal fédéral (TF). 

Cette autorité rappelle sa jurisprudence 141 III 241, où on lit (traduction) : « si la personne assurée avait encore son travail lors du début de sa maladie, elle profite de la présomption de fait qu’elle aurait continué une activité lucrative si elle n’était pas tombée malade ». Sans cette présomption, ajoute le TF, l’assuré aurait des difficultés presque insurmontables de preuve. Mais l’assureur est en droit d’apporter la preuve contraire. Toutefois, le TF a lui-même limité la portée de cette présomption favorable aux travailleurs aux cas ou la résiliation du contrat de travail a été faite après la survenance de la maladie. 

S’appuyant sur sa jurisprudence en matière d’assurance sociale, le TF confirme cette limitation : dès lors que de toute façon, même sans maladie, l’ancien emploi bien rémunéré ne se serait pas poursuivi, il incombe à l’assuré de rendre vraisemblable qu’il aurait retrouvé un emploi aussi bien rémunéré. Or, ici, une telle vraisemblance n’est pas apportée, parce que l’assuré a simplement indiqué qu’il avait effectivement trouvé un nouvel employeur, mais que le salaire n’avait même pas été discuté avec ce nouvel employeur, malgré les nombreux mois qui s’étaient écoulés. 

Le TF estime dès lors qu’il n’est pas établi, même au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait accepté cet emploi — dont le salaire était encore inconnu — compte tenu du fait qu’il avait déclaré ne vouloir en aucun cas d’un emploi moins bien rémunéré. Monsieur X aurait dû, selon le TF, fournir des éléments relatifs au nouveau salaire dont il aurait pu bénéficier. Faute de tels éléments, son action — donc le recours — doit être rejetée. 

ATF 4A_424 / du 19 janvier 2021, destiné à publication 

Notre commentaire : 

Cet arrêt, sévère pour le salarié et favorable aux assureurs en perte de gain, concrétise l’idée de base en assurance sociale qu’en cas de sinistre, l’assuré ne doit pas être mieux placé, financièrement parlant, que si le sinistre ne s’était pas produit. Autrement dit, en l’espèce, les indemnités journalières ne peuvent pas dépasser les prestations de l’assurance chômage. Monsieur X a joué de malchance : si la maladie s’était déclarée avant la résiliation du contrat de travail, la présomption aurait joué en sa faveur. De plus, l’assureur a profité ici du fait que son assuré n’avait guère été actif dans la recherche d’un nouvel emploi (mais c’est très difficile quand on est malade) et surtout qu’il avait tardé à négocier son salaire — qui est un élément essentiel — pour le nouveau contrat qu’il avait en vue.

 

-commentaires (0)-

Publier un commentaire