Quand le médecin est en même temps l’avocat…

En jouant au football le 2 août 2019, Monsieur X se blesse au genou. Il annonce ce cas seulement le 30 octobre 2019, après une opération du ménisque le 21 octobre 2019. L’assureur accidents Suva estime, en avril 2020, qu’en réalité les effets de l’accident ne se sont pas prolongés au-delà du 20 octobre 2019 et elle rend une décision dans ce sens.

Monsieur X recourt au tribunal cantonal schwytzois, qui lui donne raison et annule la décision de la Suva. Mais celle-ci recourt au Tribunal fédéral (TF). Le recours est rédigé et signé par le médecin traitant du patient.

Le TF rappelle qu’un événement traumatique peut justifier des prétentions d’assurance accident LAA même si, tôt ou tard, un état antérieur se serait manifesté. Autrement dit, une couverture est donnée même si l’accident a accéléré la manifestation en question. Il n’en va différemment que si un état latent était à ce point « fort » — autrement dit que l’état de santé de l’assuré était très précaire — qu’il suffit de n’importe quel événement même mineur pour qu’il se déclenche. Ainsi, une contrainte courante, se produisant pratiquement tous les jours, faisant que l’état antérieur déclenche les troubles, n’entraîne pas, à charge de l’assureur accidents, une obligation de prester. En l’espèce, le médecin d’arrondissement de la Suva avait estimé que l’état antérieur du genou faisait passer l’accident à l’arrière-plan. Il y avait selon lui une arthrose débutante. Au contraire, le chirurgien qui a opéré le patient — et qui en même temps est devenu son représentant légal devant les tribunaux — confirme que la lésion du ménisque était due à l’accident. Les 55 jours qui se sont écoulés entre celui-ci et la première consultation ne font pas obstacle à l’admission des séquelles traumatiques. Pour les juges cantonaux, l’état antérieur du genou n’affectait pas le ménisque.

On est donc en présence de deux avis médicaux diamétralement opposés. Le TF reproche à ces juges cantonaux, dont deux sur trois étaient médecins, d’avoir utilisé leur appréciation médicale plutôt que juridique, ce qui constitue une violation du droit fédéral. Par conséquent, le jugement cantonal favorable à l’assurée est annulé, la cause étant renvoyée au tribunal cantonal en vue d’une expertise judiciaire.

ATF 8C_549/2021 du 7 janvier 2022

Notre commentaire :

Le moins que l’on puisse dire est que la jurisprudence du TF sur la causalité accidentelle ou maladive de telles lésions au genou n’est pas claire. D’une part, un état antérieur « activé » par l’accident ne supprime pas l’obligation de prester de l’assureur accidents. D’autre part cependant, cette obligation tombe en cas d’état antérieur précaire. Le présent cas montre la difficulté de distinguer entre ces deux situations. Nous pensons en outre que le TF n’a pas goûté en l’espèce le fait que non seulement le tribunal cantonal était très « médicalisé », et encore moins le fait que l’assuré a agi par l’intermédiaire de son médecin traitant plutôt que d’un avocat…

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