Mère devenant psychiquement invalide en raison d’un accident où sa fillette de 8 ans est tuée

Mme X. circulait avec ses 2 filles sur l’autoroute lorsqu’elle eut une panne. Elle était arrêtée sur la bande d’arrêt d’urgence, mais avec une partie du véhicule qui débordait sur la voie de circulation à droite. Une voiture arrivait à haute vitesse et percuta violemment la voiture arrêtée.. Une fillette de 8 ans fut gravement blessée et décéda 2 jours plus tard à l’hôpital. Une autre fille de l’assurée ne fut que légèrement blessée. Mme X. souffrit par la suite d’un syndrome de stress post-traumatique et d’une dépression chronique. Elle était incapable de travailler. En été 2020, la SUVA, assureur-accidents de Mme X., décida que son affection psychique ne pouvait plus être considérée comme étant encore en relation avec l’accident et le décès de sa fille. M. X. recourut auprès du Tribunal cantonal argovien et obtint gain de cause. Mais la SUVA recourut au Tribunal fédéral.

La question ici posée était celle de la causalité adéquate entre un accident qui n’avait pas atteint la personne assurée directement, mais qui lui avait provoqué un choc psychique, et cet accident lui-même. La mère avait assisté aux tentatives de réanimer sa fille. La circonstance la plus grave était que Mme X. avait entendu le choc de l’accident, en pensant immédiatement que ses enfants pouvaient être atteints.

La SUVA plaide qu’il y avait en l’espèce précisément une amnésie circonstancielle, atténuant en quelque sorte l’atteinte psychique. Pourtant, selon le TF, la seule question à résoudre est de savoir si un accident aussi grave est de nature ou non à entraîner des séquelles psychiques, selon une appréciation conforme à la réalité (ATF 129 V 177). Ici, ce qui est décisif, c’est que Mme X. a immédiatement craint que ses filles ne soient gravement blessées. De plus, Mme X. avait été, juste avant l’accident, dans l’angoisse que sa voiture n’ait pas pu rouler de manière à s’arrêter complètement sur la bande d’arrêt d’urgence. L’angoisse s’était encore accrue au moment où les services de sauvetage avaient essayé de ranimer sa fille. Ce sont là des événements dramatiques qui sont, à l’évidence, propres à provoquer un choc psychique de frayeur. Le recours de la SUVA doit donc être rejeté, et cela sans même qu’il faille ordonner un échange d’écritures. SUVA doit donc verser ses prestations pour invalidité totale de Mme X.

ATF 8C_367/2021 du 10.01.2022

Notre commentaire :

Cet arrêt ne peut qu’être approuvé. Face à des événements aussi dramatiques, la position puis le recours de la SUVA nous paraissent à la limite de la témérité. Ce n’est d’ailleurs pas seulement la violence du choc qui était propre à provoquer une invalidité psychique de la mère, mais aussi et surtout l’angoisse momentanée que ses filles puissent être blessées et, ensuite, le fait d’apprendre 2 jours plus tard que la fillette de 8 ans était décédée. Voir aussi notre contribution « Séquelles psychiques d’accident » sur ce site à la date du 22 décembre 2016. On peut se référer également à l’arrêt dit du « Hunter » (avion militaire s’abattant et tuant des enfants), 112 II 118, et également à la pratique constante du Tribunal fédéral en matière de responsabilité civile pour les dommages-réflexes subis par les parents de victimes d’accidents (138 III 276 du 7 février 2012).

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