« Accident dans l’accident » : quand le cas est-il couvert ?

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Il arrive souvent qu’une personne blessée dans un accident et reconnue totalement ou partiellement invalide de ce fait subisse un nouvel accident en raison des séquelles du premier. Par exemple : une personne qui doit se déplacer avec des béquilles glisse et tombe à cause de celles-ci et subit de nouvelles blessures. Ici, un assuré avait subi un grave accident en 1989, qui l’avait rendu paraplégique, tributaire d’un fauteuil roulant. 30 ans plus tard, en 2019, il tombe de son fauteuil roulant qui s’était accroché à un meuble. L’assureur-accidents SUVA conteste toute obligation d’intervenir, au motif qu’il n’y a plus de lien de causalité adéquat entre l’ancien accident de 1989 et le nouvel accident de 2019. 

L’assuré fait valoir que s’il n’était pas en fauteuil roulant à la suite du premier accident, le second accident ne serait pas arrivé et qu’il y a donc bel et bien une causalité adéquate. Ce point de vue est rejeté par le Tribunal cantonal de St-Gall et l’assuré recourt donc au Tribunal fédéral. 

Cette affaire donne l’occasion à cette autorité de revoir et résumer entièrement sa jurisprudence, relativement ancienne. Le TF remonte jusqu’en 1919… A cette époque, 3 conditions avaient été fixées : 

  • Il faut que le second accident survienne durant la phase de guérison du premier accident (Heilungsdauer);
  • Il faut que le premier accident ait encore déployé des effets en privant l’assuré de son cercle habituel d’activité (Wirkungskreis) et de ses habitudes de vie antérieures et que ces effets subsistent au moment du second accident; 
  • Il faut enfin que les séquelles du premier accident continuent à exposer l’assuré à un risque accru d’avoir un second accident, que ces séquelles soient somatiques ou psychiques. 

Ces conditions sont qualifiées de cumulatives. Donc, ce n’est que si toutes ces conditions sont remplies que le second accident sera considéré juridiquement comme une simple complication du premier accident. 

En l’espèce, le TF juge qu’aucune de ces conditions n’est remplie. En 30 ans, l’assuré avait eu l’habitude de se mouvoir avec son fauteuil roulant. Ce n’est donc pas celui-ci qui a provoqué la chute, mais bien le fait qu’il s’est accroché à un meuble. Ce moyen auxiliaire n’exposait pas le recourant à un risque accru d’accident. Selon le TF, le cas se démarque d’une affaire jugée en 1960 dans lequel les séquelles du premier accident se manifestaient sous forme de vertiges soudains et imprévisibles, qui avaient eux-mêmes provoqué une chute. Dans ce cas-là, les séquelles (risques de chute dus aux vertiges) constituaient précisément un risque accru de nouvel accident.

Le recours est dès lors rejeté et la SUVA ne doit pas fournir de prestations pour le second accident. 

ATF 8C_596/2021 du 12.07.2022, destiné à publication

Notre commentaire : 

On peut comprendre le point de vue du Tribunal fédéral, qui a en quelque sorte considéré l’accrochage du fauteuil roulant à un meuble comme un nouvel accident indépendant du premier, parce que l’assuré avait eu trente ans pour s’habituer au fauteuil roulant, qui faisait désormais partie de sa vie.

On peut cependant critiquer dans cet arrêt ce que semble admettre le TF, à savoir que les 3 conditions pour la causalité adéquate entre le premier et le second accident, telles que décidées au début du 20ème siècle, seraient cumulatives et non alternatives. Il n’y a en effet pas de rapport logique entre ces 3 conditions. Par exemple : le risque accru (3ème condition) peut continuer à exister après la phase de guérison (première condition). C’est par exemple le cas pour les vertiges permanents (affaire de 1960) : ces vertiges avaient subsisté après la phase de guérison (Heilungsdauer). D’autre part, la seconde condition nous paraît presque toujours remplie car c’est plutôt une condition de causalité naturelle : le premier accident a logiquement entraîné une modification durable des habitudes de vie de l’assuré. Autrement dit et pour faire plus simple : il nous semble que seule la 3ème condition (risque accru d’un 2ème accident à raisonde l’état de l’assuré consécutif au premier accident) devrait subsister. Ce serait à la fois plus simple et plus clair.

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