Un orphelin aux études a-t-il droit à une rente LPP même s’il a un certain revenu de travail ?

Une jeune fille de 20 ans perd son père, qui était assuré auprès de la Caisse de pension jurassienne. Une rente est servie à la veuve et à la jeune fille. Cependant, cette rente est supprimée en 2012 au motif que la jeune fille a désormais un emploi lui procurant un revenu supérieur à la rente maximale de l’AVS. La jeune fille attaque la Caisse de pension auprès du Tribunal cantonal du Jura, qui la déboute. Elle recourt au Tribunal fédéral.

Selon le règlement de la Caisse, le droit à la rente d’orphelin subsiste jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de 25 ans tant qu’il est en formation, sans exercer d’activité professionnelle à titre principal ou prépondérant.

La Cour cantonale avait retenu, en application analogique des règles sur l’AVS (art. 49bis et 49ter RAVS) qu’un enfant n’est pas en formation lorsque le revenu moyen provenant de son activité lucrative mensuel dépasse le montant maximal de la rente de vieillesse mensuelle, soit fr. 2’340.- en 2013. L’art. 22 al. 3 let. a LPP pose simplement la condition, pour allouer la rente pour l’orphelin, que celui-ci fasse un apprentissage ou des études. Procédant à une exégèse de ce texte, le Tribunal fédéral constate qu’en LPP il n’a pas été prévu de faire dépendre le droit du revenu réalisé par l’orphelin. Autrement dit, il suffit d’une formation. Le Tribunal fédéral ajoute que dans un précédent arrêt il a été souligné « que les étudiants et les apprentis qui subvenaient eux-mêmes à leur entretien ne devaient pas être moins bien traités que ceux qui n’avaient pas besoin de gagner leur vie parce qu’ils avaient de la fortune ou étaient entretenus par leurs parents ». Dès lors, les rentes ordinaires de l’AVS sont « allouées indépendamment de la situation financière des bénéficiaires ». De plus, c’est au législateur qu’il incomberait d’adopter une autre réglementation au cas où cela devrait être jugé nécessaire pour des motifs de politique sociale (ATF 106 V 147 et en dernier lieu 9C_674/2008 du 18 juin 2009). En outre, il n’y a pas de lien direct entre la limite de revenu et la notion de « formation ».

Le but du 2ème pilier est de permettre aux personnes assurées de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur. Cela va au-delà des prestations du 1er pilier qui ne couvre que les besoins vitaux. Le TF refuse de suivre la doctrine majoritaire concernant cette question de revenu réalisé à côté de la formation, doctrine allant dans le sens d’une application des règles du 1er pilier au 2ème pilier.. Le recours de la jeune fille est dès lors admis.

ATF 9C_543/2021 du 20.07.2022 destiné à publication

Notre commentaire :

En raison du lien étroit entre le 1er et le 2ème piliers, la solution donnée par le Tribunal fédéral n’était pas d’emblée évidente. En admettant cependant que le 2ème pilier a une fonction plus « généreuse » que le 1er pilier (maintenir le niveau de vie antérieur et non seulement couvrir les besoins vitaux), le Tribunal fédéral opte pour écarter la question du revenu accessoire du jeune en formation, pour ce qui est du 2ème pilier.

Signalons aussi qu’actuellement, la rente d’orphelin du 1er pilier est attaquée de toute part, lorsque le parent décédé (le père dans la plupart des cas) avait déjà atteint l’âge AVS. En créant ainsi une certaine indépendance entre le 1er pilier (AVS) et le 2ème pilier (LPP), le Tribunal fédéral paraît contrer à l’avance des tentatives analogues pour ce qui est de la prévoyance professionnelle.

Cet arrêt est réjouissant. On peut craindre toutefois que, pour ce qui est de la prévoyance plus étendue, cet arrêt amène les institutions de prévoyance à modifier leur règlement dans le sens de reprendre la réglementation moins favorable du 1er pilier…

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