Indemnité pour licenciement abusif : non imposable

Mme X. réclame, devant le Tribunal de Prud’hommes de Lausanne, une indemnité de fr. 30’000.- pour licenciement abusif. Ce montant correspond à un peu moins de 5 mois de salaire, et a été réduit pour rester dans la compétence du Tribunal de Prud’hommes.

Dans ce cadre, les parties transigent sur fr. 25’000.-, sans préciser à quel titre.

L’Office d’impôt veut taxer ces fr. 25’000.-. Sur réclamation de Mme X., l’Administration cantonale confirme cette taxation. Le Tribunal cantonal admet le recours de Mme X. en exonérant ces fr. 25’000.- d’impôt cantonal, communal et fédéral. Le canton de Vaud fait recours au Tribunal fédéral.

Le canton de Vaud fait valoir que le caractère abusif du licenciement n’a pas été prouvé. De plus, l’Administration fédérale ne peut interpeller chaque fois l’employeur sous peine de violer le secret fiscal. De toute façon, une telle indemnité a une double fonction, punitive (de l’employeur) et réparatrice (pour l’employé), de sorte que ce n’est pas du tort moral. Enfin, dans la transaction, les parties n’ont rien précisé à ce sujet.

Le Tribunal fédéral considère qu’il n’était pas arbitraire, de la part du Tribunal cantonal, de considérer qu’en l’espèce le licenciement avait bien été abusif, selon une vraisemblance prépondérante (dès lors que la cause n’a pas été jugée, cela en raison de la transaction intervenue). Le Tribunal fédéral écrit « bien qu’assisté par un avocat, l’ancien employeur de l’intimée n’avait pas assorti son engagement d’une réserve telle que « sans reconnaissance de responsabilité », « à bien plaire » ou encore « par gain de paix » ». Au vu de cela, il n’était pas arbitraire, de la part du Tribunal cantonal, de retenir que l’indemnité de fr. 25’000.- correspondait effectivement à une indemnité pour licenciement abusif, donc une réparation du tort moral (non imposable par définition, et d’ailleurs non soumis aux cotisations sociales) (ATF 123 V 5, cons. 5).

Les jurisprudences cantonales et la doctrine sont divisées sur cette question. Le Tribunal fédéral tranche dans le sens d’un tort moral. L’exonération d’impôt est accordée. Le recours du canton de Vaud est rejeté.

ATF 2C_546/2021 du 31 octobre 2022, destiné à publication

Notre commentaire :

Cet arrêt est tout à fait convaincant. Les indemnités dites punitives sont d’ailleurs rares en droit suisse. La fonction réparatrice l’emporte et l’indemnisation a bien plutôt une fonction de réparation du tort moral. Cet arrêt montre aussi l’importance des termes utilisés dans une transaction relative à l’art. 336 a CO. Au vu de cet arrêt, on peut recommander d’écarter les clauses du type « sans reconnaissance de responsabilité » dans la transaction. On peut utilement ne rien mettre ou alors proposer une formulation selon laquelle le montant « n’est pas soumis aux cotisations sociales ». On voit aussi, à la lecture de cet arrêt, l’importance de la motivation des conclusions qui sont prises : ici, la salariée a obtenu gain de cause notamment parce que le procès portait spécifiquement sur une indemnité pour licenciement abusif.

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