Résiliation abusive d’un contrat de travail : de l’importance du choix des mots…

Une employée de maison se fait congédier. Son avocat écrit à l’employeur : « ma mandante conteste le licenciement ». L’affaire est ensuite portée devant le tribunal des prud’hommes de Genève, qui donne tort à cette employée. La lettre en question ne serait pas une « opposition ».

Celle-ci fait appel en soutenant que la lettre en question doit bel et bien se comprendre comme une opposition au licenciement, laquelle est une démarche obligatoire pour la partie qui fait valoir qu’un licenciement est abusif (l’art. 336 b du Code des obligations prescrit que « la partie qui entend demander l’indemnité fondée sur les articles 336 et 336a doit faire opposition au congé par écrit auprès de l’autre partie au plus tard jusqu’à la fin du délai de congé »).

Cet appel est motivé comme suit : « Le Tribunal verse dans l’arbitraire lorsqu’il retient que l’appelante n’aurait pas formé opposition à son licenciement du 14 décembre 2021.

En effet, par courrier du 14 décembre 2021 [pièce n° 15], l’appelante a fait part au conseil des intimés qu’elle contestait son deuxième licenciement, ce qui ne pouvait être compris autrement que comme une opposition à la résiliation de son contrat.

En considérant que l’appelante, en usant du mot ‘contester’ en lieu et place du mot ‘opposition’, n’aurait pas satisfait à l’art. 336b al. 1 CO, [le Tribunal] verse dans un arbitraire insoutenable.

Il va de soi que l’appelante a contesté son deuxième licenciement, ce que même la partie adverse n’a pas osé contester, à juste titre. »

La cour d’appel confirme le jugement de première instance au motif que cette motivation serait insuffisante selon la jurisprudence.

L’employée porte l’affaire au Tribunal fédéral (TF).

En quelques lignes, le TF rejette le recours. Voici les lignes en question :

« La motivation tient dès lors dans la simple affirmation que la « contestation » du second licenciement ne pouvait s’entendre que comme une opposition à la résiliation du contrat. Et dans la dénégation de l’emploi impératif du mot « opposition ». Il s’agit d’un postulat, non d’une motivation. En d’autres termes, l’employée s’est contentée d’affirmer le contraire de ce que les premiers juges avaient considéré. A bon droit, la cour cantonale a refusé d’entrer en matière au motif que les exigences jurisprudentielles déduites de l’art. 311 al. 1 CPC n’étaient pas réalisées. »

ATF 4A_318/2023 du 14 juillet 2023

Notre commentaire :

Cet arrêt nous paraît insoutenable. Le Code des obligations ne prescrit pas que, de manière impérative, le mot « opposition » doive être utilisé. Nous ne voyons pas de grande différence de sens entre une « contestation » et une « opposition ». C’est une question sémantique. Dans la procédure d’appel, l’avocat de l’employée avait fait valoir ce point de vue de manière à nos yeux suffisante : le sens des mots devrait être connu des juges. En l’espèce, ils auraient dû tenir la motivation d’appel pour suffisante, car la volonté de ne pas accepter, autrement dit de s’opposer, au licenciement était claire. Nous estimons que tant la cour cantonale que le Tribunal fédéral ont fait preuve d’un formalisme excessif, formalisme qu’ils sanctionnent à juste titre dans bien d’autres cas.

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