Hypothèque légale des artisans et entrepreneurs : quand le délai de 4 mois est-il respecté ?

Il s’agissait en l’espèce de travaux d’aménagement de jardin et de l’installation d’une piscine, avec matériaux et main d’œuvre, et de nombreux aménagements de jardin, pour un devis d’environ fr. 167’000.-, dont un acompte de fr. 30’000.- avait été payé. Il restait finalement une créance de près de fr. 100’000.- en faveur des artisans et entrepreneurs. Ceux-ci ont obtenu une hypothèque légale provisoire. Le maître de l’ouvrage a obtenu, devant la Cour d’appel du Tribunal cantonal vaudois, que l’hypothèque légale soit radiée, au motif que la requête d’inscription avait été tardive. Le maître d’état recourt au Tribunal fédéral pour contester la tardiveté de l’inscription provisoire.

Le litige porte donc sur le point de départ du délai de 4 mois de l’art. 839 al. 2 du Code civil prescrivant que « l’inscription doit être obtenue au plus tard dans les 4 mois qui suivent l’achèvement des travaux ». Le mot « obtenue » signifie que l’hypothèque doit être inscrite, même provisoirement, dans ce délai de 4 mois. Mais à partir de quand le délai court-il, lorsqu’il y a des travaux d’achèvement ?

Le TF rappelle  qu’il y a achèvement « quand tous les travaux qui constituent l’objet du contrat d’entreprise ont été exécutés et que l’ouvrage est livrable ». Mais cela n’englobe pas les prestations supplémentaires commandées ni les travaux de peu d’importance ou accessoires, ni les retouches (nombreuses références de jurisprudences). Les travaux de garantie ne prolongent pas non plus le délai. Toutefois, précise le TF « lorsque des travaux indispensables, même d’importance secondaire, n’ont pas été exécutés, l’ouvrage ne peut pas être considéré comme achevé; des travaux nécessaires, notamment pour des raisons  de sécurité, même de peu d’importance, constituent donc des travaux d’achèvement ». C’est donc un critère plutôt qualitatif que quantitatif qui est appliqué. D’autre part, ce n’est pas l’établissement de la facture qui compte, mais bien l’achèvement des travaux, même si la facture peut constituer un indice de la fin des travaux. Autrement dit, ces travaux nécessaires pour la sécurité peuvent encore être pris en compte pour retarder le point de départ du délai. C’est cependant assez restrictif car, précise le TF, « le fait que l’entrepreneur présente une facture pour son travail donne toutefois à penser, en règle générale, qu’il estime l’ouvrage achevé ».

Quant à la procédure, la décision appartient, en cas de doute, au juge du fond et non au juge des mesures provisionnelles.

Ici, le maître d’état plaidait que l’établissement de la facture n’était pas déterminant pour le point de départ du délai. En outre, l’entreprise faisait valoir qu’on avait différé jusqu’à l’été suivant les travaux visant à sécuriser la piscine, notamment la pause de la bâche de sécurité et le nettoyage du chantier, ce qui était prévu dans le descriptif des travaux, constituant donc, toujours selon l’entreprise recourante, des travaux d’achèvement. Le TF a cependant jugé cet argument non recevable, car ces travaux étaient différés et étaient déjà prévus dans la facture finale, tout comme un « mécanisme de nage à contre-courant ». Le TF a donc rejeté le recours sans même inviter le maître de l’ouvrage à se déterminer sur le fond.

ATF 5A_203/2023 du 30.08.2023

Notre commentaire :

Cet arrêt est rigoureux, mais reste dans la ligne de ce qu’avait décidé le TF dans des cas similaires. Le délai de 4 mois est bref. Il n’est donc pas facile, pour un maître d’état, de plaider que le point de départ de ce bref délai a été reporté par des travaux de finition indispensables. Dans le doute, nous conseillons donc au maître d’état de ne pas attendre le dernier moment pour solliciter une hypothèque légale, en pensant pouvoir retarder le point de départ des 4 mois.

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