Encore et toujours la réticence (questionnaire de santé prétendument mal rempli)

Mme A. conclut en 2014 une police de pilier 3a (fiscalement favorisée) avec des prestations en cas de décès ou en cas de vie et une rente d’invalidité de fr. 1’000.- par mois après un délai d’attente. Pour cela, elle remplit un questionnaire comportant notamment la question suivante (traduction) : « Avez-vous ou avez-vous eu par le passé des atteintes à la santé en raison d’une maladie ou d’un accident du système nerveux (p. ex. paralysie, épilepsie, trouble nerveux), des yeux ou de la psyché (p. ex. dépression, état d’angoisse ou d’épuisement) ou avez-vous fait une tentative de suicide ? ».

Se fondant sur divers rapports médicaux, l’instance cantonale indique que Mme A. souffrait déjà depuis 2007 d’une forte nervosité et de troubles chroniques de sommeil. Depuis son divorce en 2008, elle avait aussi, de manière régulière entre janvier et mars, des phases dépressives. En outre, elle souffrait depuis 2007 d’une boulimie nerveuse d’intensité variable. Certes, il n’existait pas de rapports médicaux en temps réel concernant cette époque, c’est-à-dire avant la date de signature du questionnaire de santé le 17 juillet 2014. Cependant, toujours selon la juridiction cantonale, les troubles en question apparaissaient régulièrement et avaient des conséquences importantes quant à la capacité de gain. L’assurée aurait dû les déclarer car ce n’étaient pas des troubles dits « de bagatelle ». Il n’était pas nécessaire que ces troubles aient fait l’objet d’un traitement ou aient conduit à des incapacités de travail, l’assurée devant cependant être consciente qu’ils pouvaient survenir à l’avenir. Toujours selon la juridiction cantonale, il n’était pas plausible que ces troubles ne soient pas interprétés comme dépressifs. La boulimie nerveuse existait encore au moment de remplir le questionnaire. L’assurée aurait dû déclarer tout cela. Par conséquent, c’est à juste titre que l’assurance a invoqué la réticence et a annulé le contrat.

L’assurée recourt au Tribunal fédéral (TF).

Cette autorité retient, en faveur de l’assurée, qu’elle n’a jamais été traitée ni examinée quant à des troubles psychiques avant de remplir le questionnaire de santé qui lui demandait si elle avait une maladie psychique. Elle était donc en droit de répondre négativement. De plus, il n’y avait jamais eu d’incapacité de travail avant 2018, ce qui montre une absence effective de souffrance due à la maladie. Certes, la recourante a passé par des moments pénibles, mais elle était en droit de ne pas considérer que les troubles psychiques avaient une valeur de maladie. Elle était en droit de considérer que la gêne due à ces problèmes psychiques n’était que la réaction à ceux-ci. Quant à la boulimie, c’est à juste titre que la recourante dit que c’était une question de régime alimentaire qui avait entretemps été modifié, de sorte que ce diagnostic est pour le moins douteux. Comme il incombe à l’assureur de prouver l’inexactitude des réponses apportées dans le questionnaire de santé, l’absence d’une telle preuve de symptômes psychiques ayant valeur de maladie doit conduire au rejet de la réticence.

Par conséquent, le recours de l’assurée doit être admis et la cause doit être renvoyée au Tribunal cantonal, les frais et dépens étant mis à charge de l’assureur.

ATF 9C_98/2024 du 11.11.2024  A. c/Allianz, canton de Zurich

Notre commentaire :

Cet arrêt, qui confirme précisément « la réticence du Tribunal fédéral à admettre facilement la réticence », est bienvenu. Les conséquences, pour un assuré, d’une réticence sont considérables (voir nos autres blogs à ce sujet). Il ne faut donc la retenir que de manière restrictive. En l’espèce, la question portait non seulement sur l’existence de troubles psychiques, mais sur l’existence de troubles psychiques ayant valeur de maladie. Or, aucune maladie n’avait été diagnostiquée, hormis la boulimie qui reposait d’ailleurs selon le TF sur un diagnostic discutable. De plus, il n’y avait aucun arrêt de travail, pourtant caractéristique d’une maladie. Il est assez logique qu’une personne qui, durant des années, n’a pas eu d’arrêt de travail réponde négativement à la question des maladies, a fortiori des maladies psychiques.

A noter que cet arrêt a été rendu en matière d’assurance sociale (pilier 3a), mais que c’est la juridiction civile ordinaire qui doit être saisie lorsqu’on est en présence d’une assurance-vie LCA ne faisant pas partie des mécanismes de la prévoyance professionnelle selon la LPP.

-commentaires (0)-

Publier un commentaire