Vives douleurs en rattrapant une plaque de 10 kg : est-ce un accident ?
Un assuré annonce un accident du travail : alors qu’il posait des plaques de parement sur un mur, une plaque s’est décollée. En voulant la récupérer, il a fait un faux mouvement. La plaque pesait environ 10 kg. Il a ressenti comme une décharge électrique dans le bas du dos, mais n’a pas dérapé ou chuté. L’assureur-accidents refuse ses prestations. L’assuré recourt à Genève. Il explique qu’en voyant la plaque se détacher, il a essayé de la récupérer avec les deux mains à hauteur de sa taille d’un geste extrêmement brusque. Le Tribunal cantonal de Genève lui donne raison.
L’assureur LAA AXA recourt au Tribunal fédéral (TF).
Le TF rappelle qu’un accident nécessite une cause dite « extraordinaire » qui est réalisée lorsqu’un facteur extérieur excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels, autrement dit les incidents et péripéties de la vie courante.
L’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de mouvements non coordonnés comme le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d’éviter une chute. Le facteur extérieur extraordinaire a été admis dans les cas suivants :
- L’assuré retient un panneau d’environ 80 kg et se blesse à l’épaule gauche (8C_404/2020 du 11.06.2021) ;
- Un poseur de sol rattrape, par un mouvement brusque et incontrôlé, un rouleau de moquette qui glissait d’une étagère (8C_194/2015 du 11.08.2015) ;
- Une infirmière a dû retenir une patiente qu’il aurait fallu porter à deux personnes, l’autre personne ayant lâché prise de manière subite, de sorte que l’assurée s’est retrouvée seule à supporter toute la charge afin d’éviter le pire (arrêt U 9/04 du 15.10.2004).
En revanche, le facteur extérieur extraordinaire a été nié dans les cas suivants :
- Retenir un enfant de 5 ans pesant 20 kg (8C_242/2021 du 02.11.2021);
- Boucher se faisant mal au dos en se saisissant d’une caisse de viande d’environ 25 kg qui était collée à l’étagère sur laquelle elle était posée (8C_783/2013 du 10.04.2014) ;
- Douleurs au dos pour un assuré qui avait tenté par un mouvement réflexe de retenir une plante en pot se trouvant sur un chariot de transport (U 144/06 du 23.05.2006) ;
- Aide-soignante se blessant à l’épaule en rattrapant une caisse de livres qui lui avait glissé des mains (8C_1019/2009 du 26.05.2010) ;
- Infirmier se faisant mal aux cervicales en se retournant brusquement pour tenter de retenir une patiente qui s’était levée de sa chaise roulante (8C_726/2009 du 30.04.2010). Le TF note que la Cour cantonale a retenu un mouvement non programmé en porte-à-faux pour retenir un objet en train de tomber. Au contraire, l’assureur trouve que son assuré avait déjà une lombalgie avec discopathie étagée dégénérative et il nie l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire au regard des habitudes professionnelles et de la constitution physique de l’assuré.
Dans la présente affaire, le TF nie l’existence d’un faux mouvement car il n’y avait pas une position penchée en avant ou un mouvement en porte-à-faux. Le poids de cette plaque n’était pas extraordinaire non plus. Il ne s’agit donc pas d’un accident au sens de la loi. Le recours de l’assureur AXA est admis.
ATF 8C_438/2024 du 18.03.2025
Notre commentaire :
Cette affaire, où l’on voit la Chambre des assurances sociales de Genève et le Tribunal fédéral juger en des sens différents, illustre parfaitement la difficulté et les incertitudes de la notion d’accident, dans les cas de faux mouvements ou, selon l’expression consacrée, de « mouvements non programmés ».
Si un assuré doit avoir l’habitude de tels mouvements non programmés, il ne s’agira plutôt pas d’un accident. Si en revanche le mouvement dépasse ce qui est habituel, soit en raison des forces utilisées ou du caractère inhabituel des événements, là encore à condition que l’on puisse démontrer que les troubles sont bien dus à ce qui s’est passé le jour en question, l’assuré aura des chances d’obtenir gain de cause.
Vu ces incertitudes et ces doutes, inhérents il est vrai au système légal distinguant les maladies et les accidents, nous conseillons dans le doute de faire valoir le caractère accidentel.